Ado au bord de la crise de nerfs
Le 2 novembre 2023
Gus Van Sant ausculte les troubles adolescents avec une intelligence, une sensibilité et une virtuosité stylistique qui ridiculisent la concurrence.
- Réalisateur : Gus Van Sant
- Acteurs : Gabriel Nevins, Jake Miller, Daniel Liu, Taylor Momsen
- Genre : Drame, Teen movie
- Nationalité : Américain
- Distributeur : MK2 Distribution
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 24 octobre 2007
- Festival : Festival de Cannes 2007, Sélection officielle Cannes 2007 (en compétition)
Résumé : Alex, jeune skateur, tue accidentellement un agent de sécurité sur l’un des spots les plus malfamés de Portland, le Paranoid Park. Pourra-t-il garder le secret ?
Critique : En contant la lente déliquescence d’un simili Kurt Cobain avec un esprit grunge dans le très beau Last Days, visiblement incompris par ceux et celles qui écoutent Nirvana comme on porte un tee-shirt Che Guevara, Gus Van Sant donnait l’impression d’avoir conclu une trilogie formelle où la réalité et la fiction se brouillaient et dans laquelle le point de vue passait à la question. Or, en lisant le synopsis de Paranoid Park, on craint le Elephant bis avec l’histoire d’un ado tout proche de la crise de nerfs qui semble appartenir à tous les jeunes de son âge ingrat et n’a pas envie de ressembler à la norme. Certes. En même temps, il serait trop facile de reprocher au réalisateur de traiter un sujet sur lequel il a levé bon nombre d’ambiguïtés (voir son premier Mala noche ou ses productions allant d’Harmony Korine à Larry Clark - le remarquable Ken Park).
Quand on voit le résultat à l’écran, on se confond en excuses : le nouvel opus du prodige ne fait pas dans le rabâchage de formules superflues. C’est une merveille de concision toute entière tenue par la croyance dans ce qu’il raconte. Une méditation élégiaque adaptée d’un roman de Blake Nelson où l’acteur principal a été auditionné via MySpace. Par la grâce d’une bande-son aérienne, d’un montage brillant et d’une caméra totalement virtuose, Gus noircit les cases primesautières de sa chronique adolescente en peignant le portrait d’une âme dostoïevskienne, fragile et artiste, à deux doigts de se faire bouffer par la société des adultes (les parents sont filmés de dos ou à travers des jeux de focales). Le film, construit comme une enquête policière, plonge profond dans un tohu-bohu intérieur et en retranscrit la sensibilité extrême avec un art du décalage futé qui transforme le quotidien palot d’un lycéen lambda en fantaisie mentale bizarre. L’adolescent dans les couloirs n’est plus suivi de dos mais de face - non pas pour montrer la partie du corps qu’on ne voit plus, mais le secret dangereux qui se cache derrière un visage innocent.
Ces différences nullement anodines prouvent qu’il y a eu un changement - tous les parti pris de la mise en scène et le choix d’un nouveau chef opérateur (Christopher Doyle) répondent harmonieusement à cette évolution. Le regard ne change pas mais le style, oui. Cela suffit pour extraire la même quintessence mélancolique inhérente, dont l’étrange poésie s’insinue en nous pour longtemps. On n’en demandait pas plus : cette rêverie anxieuse d’un Raphaël des temps modernes (le peintre de la Renaissance italienne ressemblant comme deux gouttes d’eau à notre protagoniste) permet une nouvelle fois à Gus Van Sant de partir du cliché pour arriver à l’icône, de l’ado noyé dans la masse à l’artiste maître de ses fantasmes pour les avoir accouchés. Last Days n’était donc pas la fin d’un chapitre expérimental. Il s’agissait d’une nouvelle étape pour le réalisateur inclassable et précurseur. La preuve ? Ce Paranoïd Park, élixir précieux, fascinant de bout en bout.
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Norman06 27 avril 2009
Paranoid Park - Gus Van Sant - critique
La veine expérimentale de Gerry et Elephant se poursuit, tant par les recherches formelles que le portrait d’un certain désarroi de la jeunesse. L’approche distanciée du cinéaste avec le réel nous invite à cerner le mystère qui entoure les personnages, plutôt que de proposer un discours analytique et moralisateur. Fascinant.
Sébastien Schreurs 15 mars 2011
Paranoid Park - Gus Van Sant - critique
D’une esthétique époustouflante, chaque plan a été travaillé au détail près, pas surprenant quand on sait que le cinéaste s’est adjoint les services de Christopher Doyle, le directeur de la photographie de Wong Kar-Wai. Après "Gerry", "Elephant" et "Last days", Gus Van Sant poursuit son introspection d’une jeunesse en pleine souffrance et à la dérive totale suite à la démission irrévocable de parents qui ne sont plus là pour les guider, les responsabiliser et surtout les aimer. Déjà lauréat de la récompense suprême à Cannes (pour "Elephant"), le jury de Stephen Frears a eu l’excellente idée de lui attribuer le prix du 60ème anniversaire du festival pour l’ensemble de son œuvre.
hazel_motes_7 14 avril 2011
Paranoid Park - Gus Van Sant - critique
Christopher Doyle avait déjà travaillé avec Gus Van Sant. C’était pour ’Psycho’ (1998).