Milky Way
Le 25 juillet 2024
Sans révolutionner le biopic, Gus Van Sant revient à Hollywood pour tirer brillamment le portrait d’une figure historique essentielle. Sean Penn casse la baraque.
- Réalisateur : Gus Van Sant
- Acteurs : Sean Penn, Emile Hirsch, Diego Luna, James Franco, Josh Brolin
- Genre : Drame, Biopic, LGBTQIA+
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Société nouvelle de distribution (SND)
- Durée : 2h07mn
- Titre original : Milk
- Date de sortie : 4 mars 2009
- Festival : Festival de Berlin 2009
Résumé : L’histoire vraie de Harvey Milk, élu de la mairie de San Francisco, premier homme politique américain ouvertement homosexuel, qui fut assassiné, avec le maire de la ville, en 1978.
Critique : Après une série flamboyante de quatre chefs-d’œuvre (Gerry, Elephant, Last Days et Paranoid Park) qui ont su redonner de manière magistrale ses lettres de noblesse à un cinéma indépendant américain moribond, tant d’un point de vue esthétique (voire plastique) qu’économique (petits budgets et équipes réduites), la question du retour de Gus Van Sant dans le carcan hollywoodien se posait à peu près en ces termes : quel sujet ou quel challenge pourraient bien mettre entre parenthèses les expérimentations du cinéaste de Portland ? Il fallait forcément un projet dont l’importance résonnerait au plus profond de son être. La réponse, nous la connaissons désormais : un biopic de Harvey Milk, premier élu américain ouvertement homosexuel, à l’origine des célèbres et décisifs mouvements gays de San Francisco dans les années 70, prônant un coming out massif, et assassiné avec le maire de SF par un autre élu légèrement perturbé.
Ceux qui s’attendent à un bouleversement formel en profondeur de ce genre archi-classique qu’est le biopic, en seront pour leurs frais. On peut même dire qu’il s’agit là d’une sorte d’anti-Last days. Ce dernier nous donnait à ressentir la chute mentale et le désespoir paranoïaque d’un personnage ayant existé (en l’occurrence Kurt Cobain) sans jamais le nommer. GVS puisait dans ses intuitions et impressions personnelles et faisait déteindre son propre imaginaire lyrique pour créer un personnage. C’était sa vision du leader de Nirvana. Avec Harvey Milk c’est l’inverse. Dès le titre, le nom est donné, on sait qu’il va s’agir d’un résumé académique de la vie et des actions de cet homme engagé. GVS n’est pas à l’origine du projet et n’intervient que pour la mise en scène. Il s’appuie sur le travail remarquable du scénariste Dustin Lance Black, auteur de recherches acharnées pour retrouver les proches de Milk et collecter leurs versions des faits afin d’élaborer un script le plus honnête possible.
- James Franco, Sean Penn
- © SND
Mais « académisme » n’est pas forcément synonyme d’ennui et de platitude, comme on l’a vu récemment avec Benjamin Button. L’une des bonnes idées du film est de souligner sa valeur de témoignage en lui donnant un caractère quasiment documentaire, notamment en injectant des extraits télévisés de l’époque et en injectant même Penn/Milk dans un reportage plus vrai que nature. Il ne s’agit pas d’une manipulation des images mais plutôt d’un emploi d’arguments d’autorité servant à étayer le message du personnage. Quant à la mise en scène à proprement parlé, elle s’avère discrète mais distille néanmoins quelques pépites virtuoses. Deux exemples nous viennent immédiatement à l’esprit. Tout d’abord un plan-séquence dans l’appartement de Milk, rempli de ses amis et conseillers. La caméra navigue et capte l’effervescence du lieu jusqu’à ce que le petit ami de Milk ne vire tout le monde. Le plan se termine alors sur le couple seul, libéré de l’agitation mais prisonnier de ses contradictions. Puis il y a également cette scène éprouvante de discours public. Juste avant de monter sur l’estrade, Milk reçoit une menace annonçant qu’un coup de feu partira dès qu’il ouvrira la bouche. Milk fait tout de même son discours. La caméra tremble, fébrile, et le spectateur craint le pire à tout moment. De plus GVS achève de jouer avec nos nerfs, pour nous faire ressentir physiquement la terrible menace, en filmant Milk de dos, face à une foule dense dans laquelle se trouve peut-être le tireur. Efficacité maximum.
Et Sean Penn dans tout ça ? Nous pourrions bien sûr employer une tonne de superlatifs pour décrire sa performance, dire qu’il s’est investi à fond, qu’il roule de vraies galoches, qu’il montre ses fesses, qu’il fait la « folle » sans en rajouter, bref qu’il EST Harvey Milk tout simplement et qu’il s’agit pour l’instant du rôle de sa vie. Mais comme tout le monde va le faire, n’en rajoutons pas. Une chose est sûre, l’Oscar n’est pas loin (sauf si un catcheur sur le retour lui vole la vedette) et grâce à Milk, Sean Penn devrait boire du petit lait dans les prochaines semaines...
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roger w 11 mars 2009
Harvey Milk - Gus Van Sant - critique
On pouvait craindre de la part de Gus van Sant une énième expérimentation formelle dans le style de "last days", mais il n’en est rien. Bien plus classique, mais aussi plus intéressant d’un point de vue historique, sa bio de Milk est souvent passionnante, d’autant qu’il n’hésite pas à mêler documents réels et scènes fictives. La prestation de Sean Penn est impressionnante et l’ensemble nous appelle à la lutte pour défendre les droits des minorités. Du bon cinoche pédagogique.
Camille Lugan 15 mars 2009
Harvey Milk - Gus Van Sant - critique
Gus Van Sant privilegie ici le didactique par rapport au formel, et cela s’en ressent. On sort assez peu du biopic traditionnel, ce qui a l’avantage de donner un film extremement instructif, et l’inconvenient de creer quelques longueurs. Malgre tout, la force politique et militante du propos reste intacte, surtout portee par la prestation delicate de Sean Penn, emouvant sans jamais verser dans le pathos.
Norman06 29 avril 2009
Harvey Milk - Gus Van Sant - critique
Bon biopic. On appréciera la finesse de la construction : montage avec ellipses narratives, utilisation pertinente des images d’actualité (le personnage de la chanteuse réactionnaire Anita Bryant), absence de pathos. C’est certes moins inventif que les films expérimentaux de Van Sant mais on trouvera des passerelles avec My own private Idaho ou la tuerie de Elephant. C’est par ailleurs un modèle de film militant.