Le 10 septembre 2002
Roman culte, interdit, épuisé, clandestin et enfin traduit en français.
Guillermo Rosales met fin à ses jours en 1993. Il a 47 ans. Boarding home est déjà un roman culte, interdit, épuisé, clandestin. Ce sera sa seule œuvre publiée de son vivant. Il est aujourd’hui traduit pour la première fois en français.
Miami... Terre promise des exilés cubains, paradis des enfants perdus du castrisme, antichambre de l’Amérique. William débarque à son tour, accueilli par sa famille comme un étendard de l’anticommunisme. Mais déjà, "il n’y a plus rien à faire". Au pays des "triomphateurs", William ne peut être rien de plus qu’un écrivain raté, condamné à la misère, à la rue, à la charité. C’est ainsi qu’il échoue dans une "Boarding home", une sorte d’asile privé où quelques laissés pour compte survivent dans la crasse, la faim, les mauvais traitements, et le mépris de tous.
William s’y fait une place, un peu malgré lui, comme poussé par des instincts difficiles à contrôler ; "Moi [...] qui ai vécu vingt ans dans une révolution en étant bourreau, témoin, victime". Il reste tout cela à la fois. Complice muet de l’homme à tout faire de la maison et de ses perversions, persécuteur à ses heures, mal nourri, volé, bafoué. C’est alors qu’arrive Francine, si fragile, vulnérable, sacrifiée à la noirceur du monde. Et tout devient possible. Résister, fuir, tout reprendre à zéro, reconstruire le monde autour de ce "mélange confus de pitié, de haine, de tendresse et de cruauté", qui est peut-être bien l’amour. Mais les révolutionnaires comme les "triomphateurs" ont tué le rêve depuis longtemps. William essaie de l’oublier, mais voit en cauchemar Castro, mort, qui sort de son cercueil pour constater "que cela ne règle rien non plus".
Métaphore de l’univers castriste, la "boarding home" devient ce lieu clos d’où toute fuite est impossible, où la misère et la nécessité verrouillent un ordinaire de violence, de haine et de rancœur. La loi y est dictée par Curbelo, qui cultive l’arbitraire et ne s’enflamme que pour ses concours de pêche... comme peut-être un certain "lider maximo". Miami appartient aux battants, aux riches. L’Amérique n’a que faire d’un poète miséreux. "Je ne suis pas un exilé politique. Je suis un exilé total." Le monde se réduit à ces murs lépreux, à cette haine ordinaire, d’où on ne s’échappe que par la littérature... ou la folie.
Guillermo Rosales, Mon ange (Boarding Home, traduit de l’espagnol par Liliane Hasson), Actes Sud, 2002, 127 pages, 12,90 €
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