Le 1er avril 2023
Coécrite avec Jean-Claude Carrière, cette chronique familiale de Louis Malle ne manque pas de verve et confirme l’éclectisme de son réalisateur.


- Réalisateur : Louis Malle
- Acteurs : François Berléand, Michel Piccoli, Dominique Blanc, Miou-Miou, Michel Duchaussoy, Paulette Dubost, Valérie Lemercier, Étienne Draber, Harriet Walter, Jacqueline Staup, Bruno Carette, Hubert Saint-Macary
- Genre : Comédie dramatique, Romance
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Malavida Films
- Durée : 1h47mn
- Reprise: 10 mai 2023
- Date de sortie : 24 janvier 1990

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Malavida propose au cinéma le 10 mai 2023 la rétrospective « Louis Malle, gentleman provocateur partie 2 » qui réunit trois restaurations Gaumont : Lacombe Lucien, Au revoir les enfants et Milou en mai.
Résumé : Mai 68. Loin de l’agitation parisienne, dans le Sud-Ouest, Mme Vieuzac s’éteint. Son fils Milou, qui a toujours vécu auprès d’elle, convoque le reste de la famille. Enfants et petits-enfants de la défunte se retrouvent, avec plaisir ou déplaisir. Mais les "événements" les rattrapent : les fossoyeurs sont en grève, on ne peut procéder à l’enterrement...
Critique : Après le triomphe critique et public d’Au revoir les enfants, Louis Malle revenait à la réalisation avec cette chronique familiale, écrite en collaboration avec Jean-Claude Carrière, et qu’il a coproduite avec son frère Vincent Malle. Sans atteindre les sommets du long métrage précédent ou d’œuvres antérieures, comme Le feu follet ou Lacombe Lucien, Milou en mai est un film agréable, qui confirme le professionnalisme de Malle et son sens de la nuance. Mme Vieuzac (Paulette Dubost), propriétaire d’un vaste domaine situé en région bordelaise, décède subitement. Son fils Milou (Michel Piccoli), sexagénaire qui vivait avec elle en s’occupant de la propriété, organise les obsèques et reçoit la famille, alors que les événements de mai 68 sont à leur apogée et que la grève générale s’étend, y compris dans le secteur des pompes funèbres… Chaque film de Malle est différent du précédent ; pourtant des correspondances s’établissent dans sa filmographie, dont la description d’une communauté familiale qui cherche sa voie et frôle la décomposition, à l’instar de celle du Souffle au cœur. La moyenne bourgeoisie décrite par Malle est très hétéroclite.
- © Malavida, Gaumont
Même s’il a parfois la main lourde en décrivant les mesquineries et médiocrités des personnages (la dispute autour de l’héritage de la bague, la rancœur déplacée d’une orpheline devant le lit de mort de sa grand-mère), Malle reste subtil dans la caractérisation d’une classe supérieure à la fois sur la défensive, revendicative et plurielle, à une période charnière sur le plan sociétal. Milou est un épicurien en apparence apolitique, attaché aux coutumes (la préservation d’un patrimoine familial, la pêche à l’écrevisse), ce qui ne l’empêche pas de profiter de la libéralisation des mœurs en faisant la cour à sa belle-sœur (Harriet Walter). Sa fille Camille (Miou-Miou à contre-emploi) est quant à elle ouvertement réactionnaire, pestant contre la « vermine étudiante », tout en trompant son affairiste d’époux avec le notaire opportuniste (François Berléand). Georges (Michel Duchaussoy), le frère de Milou, est l’élément progressiste de la famille, critique vis-à-vis du pouvoir gaulliste, mais modéré dans ses propos, contrairement à son fils, héritier jouant au révolutionnaire d’opérette à la Sorbonne. Quant à la jeune cousine Camille (Dominique Blanc, César de la meilleure actrice dans un second rôle), elle incarne l’ordre social conservateur mais affiche presque ouvertement son homosexualité. Milou en mai ne se veut pourtant pas une étude de mœurs.
- © Malavida, Gaumont
Malle cherche à montrer comment un double événement inattendu (un décès familial et un vaste mouvement social) peut être révélateur ou amplificateur de comportements, dans un milieu en apparence protégé. En même temps, le réalisateur, « gentleman provocateur » (comme le nomme la rétrospective que Malavida lui consacre en 2023) renvoie dos à dos les tenants de la tradition et ceux de la modernité, estimant peut-être, comme Renoir en son temps, que « chacun a ses raisons », même s’il dénonce avant tout les archaïsmes et étroitesses d’esprit. Car Milou en Mai semble nourri de références externes, à commencer par celle du Renoir de La règle du jeu et Partie de campagne. La mise en scène, comme toujours chez Malle, est classique sans être académique, et le cinéaste est bien épaulé par le travail de ses collaborateurs techniques et artistiques, dont le montage fluide d’Emmanuelle Castro et la musique jazz de Stéphane Grappelli. Et comme à son habitude, Malle se montre un remarquable directeurs d’acteurs, en particulier pour les rôles secondaires. Outre ceux précités, on peut mentionner Bruno Carette en camionneur libertin ou Valérie Lemercier en irrésistible épouse de directeur d’usine. Le cinéaste signera encore deux longs métrages, avant de disparaître en 1995.