Fincher, le cinéaste qui aimait les femmes
Le 29 juin 2023
Après avoir mis tout le monde d’accord avec The Social Network, David Fincher revient au thriller et nous livre sa version du best-seller Millenium.
- Réalisateur : David Fincher
- Acteurs : Robin Wright (Robin Wright Penn), Daniel Craig, Stellan Skarsgård, Julian Sands, Christopher Plummer, Rooney Mara, Inga Landgré, Steven Berkoff, Anita Björk
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller
- Nationalité : Américain, Britannique, Allemand, Suédois
- Distributeur : Sony Pictures Releasing France
- Durée : 2h38mn
- Date télé : 4 novembre 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Box-office : 1.080.239 entrées France / 308 779 entrées P.P. / 102 515 793 $ (recettes USA)
- Titre original : The Girl with The Dragon Tattoo
- Date de sortie : 18 janvier 2012
- Voir le dossier : La saga Millénium
Résumé : Mikael Blomkvist, brillant journaliste d’investigation, est engagé par un des plus puissants industriels de Suède, Henrik Vanger, pour enquêter sur la disparition de sa nièce, Harriet, survenue des années auparavant. Vanger est convaincu qu’elle a été assassinée par un membre de sa propre famille. Lisbeth Salander, jeune femme rebelle mais enquêtrice exceptionnelle, est chargée de se renseigner sur Blomkvist, ce qui va finalement la conduire à travailler avec lui. Entre la jeune femme perturbée qui se méfie de tout le monde et le journaliste tenace, un lien de confiance fragile va se nouer tandis qu’ils suivent la piste de plusieurs meurtres. Ils se retrouvent bientôt plongés au cœur des secrets et des haines familiales, des scandales financiers et des crimes les plus barbares…
Critique : D’abord, un générique, devenu une véritable marque de fabrique dans le cinéma de Fincher. Peut-être l’un des plus beaux que l’on verra en 2012. Graphiquement incroyable. Un clip étrange où des corps recouverts d’encre noire se mélangent à des câbles de connexion. Sur la reprise d’Immigrant Song (Led Zeppelin), par Trent Reznor et Karen O, ce somptueux générique donne aussi le ton du récit à venir, sulfureux, sombre, voire même dérangeant. Le film n’a pas véritablement commencé, on est déjà scotché.
- © 2013 Sony Pictures International Releasing. Tous droits réservés.
Oubliez l’adaptation de Niels Arden Oplev, thriller correct mais sans génie aucun. Celle de David Fincher apparaît d’une toute autre tenue. Qu’il s’agisse de la photographie (fabuleuse), de la musique (Trent Reznor, aujourd’hui indissociable du réalisateur de Panic Room) mais aussi, et surtout, de la mise en scène. Cette dernière, dans la lignée de The Social Network, fait preuve d’une élégance rare. On a répété combien la caméra de Fincher s’était assagie. À raison. Et pourtant, jamais sa mise en scène n’a semblé aussi virtuose. Une virtuosité, jouant beaucoup moins sur les effets (même si elle collait parfaitement au sujet dans Fight Club), mais qui repose sur une maîtrise totale du média. Il faut voir comme en un cadre, le cinéaste instille la terreur ou le malaise. Une scène notamment, éprouvante, montre tout son talent. Il y trouve la bonne distance via un travelling arrière sur la porte d’une chambre, qui en dit plus que si la caméra était restée à l’intérieur de la pièce.
- © 2013 Sony Pictures International Releasing. Tous droits réservés.
Comme dans Se7en et encore plus Zodiac, Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes s’intéresse davantage à l’obsession des personnages qu’à l’enquête en elle-même. À tel point que sa résolution se révèle presque expédiée. Ce qui importe ici, c’est pourquoi les personnages se retrouvent impliqués dans cette affaire, pourquoi ils choisissent de s’y intéresser. Et si le film semble en apparence être l’un des moins personnels de l’auteur, on se rend pourtant compte qu’il est traversé de plusieurs de ses thématiques. Mikael Blomkvist rappelle ainsi Robert Graysmith (le dessinateur de presse de Zodiac : même obstination, même goût de la vérité alors que pour Lisbeth Salander, personnage ambigu absolument fascinant, l’enquête agit comme une sorte de catharsis. C’est peut-être le plus beau personnage féminin de toute la filmographie du réalisateur américain (ce dernier s’imposant de film en film comme un véritable cinéaste féministe). Il s’inscrit en tout cas dans la droite lignée de ses héroïnes, des femmes fortes et déterminées, masquant une fragilité évidente. Chez Fincher, « la femme est l’objet d’un combat, et elle doit le mener jusqu’au bout pour survivre. Mais surtout, elle est seule dans sa lutte », comme l’explique Dominique Legrand dans son livre David Fincher, explorateur de nos angoisses. Magnétique et repoussante, Lisbeth reste un personnage insaisissable, solitaire, qui finit par se livrer un peu aux côtés de Mikael. La relation entre les deux n’est d’ailleurs pas loin d’être émouvante dans la manière dont Fincher, par petites touches, montre l’attachement progressif de la jeune femme pour le journaliste. Elle est agnifiquement interprétée par Rooney Mara, dont la performance mérite à elle seule le déplacement (Daniel Craig s’en sort aussi remarquablement et toute l’interprétation se montre de qualité, comme d’habitude dans les films de Fincher, directeur d’acteurs exigeant sachant tirer le meilleur de ses comédiens). L’on ignore encore si le réalisateur s’attaquera à l’adaptation des deux prochains tomes (ce premier volet se suffit par ailleurs à lui-même), mais il est sûr qu’on prendrait plaisir à retrouver ce très beau personnage. Véritable diamant noir d’un film pas moins brillant.
- © 2013 Sony Pictures International Releasing. Tous droits réservés.
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Frédéric Mignard 20 décembre 2011
Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes - David Fincher - critique
L’intrigue policière est un peu lassante, avec ses rebondissements évidents, mais l’approche psychologique du personnage féminin principal et surtout l’irrésistible photographie/montage/mise en scène de Fincher nous convainc toujours autant.
Attention au générique, c’est indéniablement le plus beau de l’année !
Jean-Patrick Géraud 28 janvier 2012
Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes - David Fincher - critique
Davantage qu’une adaptation ou même un simple film policier, Millénium est un drame haletant et d’une intensité psychologique rare, qui n’est pas sans rappeler les grands modèles du genre. On pense souvent au Silence des Agneaux, pour le côté "Clarice Starling" de l’héroïne, ou pour la construction dramatique qui s’achemine peu à peu, de façon concentrique, vers le lieu du crime (en sous-sol). La violence surgit à l’endroit où on l’attend peut-être le moins, dans les lieux de l’intime, dans les trauma que l’on s’efforce d’oublier, mais que les images et les traces écrites rappellent sans cesse à notre mémoire. Tout sauf impersonnel (même si, comme le dit bien la critique, il en a l’air au premier abord), marquant même une évolution dans la carrière de Fincher (d’une certaine manière, Se7en est ici rejoué à l’envers), le film est porté d’un bout à l’autre par ses acteurs, son sens de la mise en scène, son rythme enlevé, son montage sonore hypnotique.