Le sens de la vie
Le 15 mars 2020
David Fincher développe avec brio ses talents de conteur hors-pair. Style classique superbe au service d’une fable existentielle fascinante.
- Réalisateur : David Fincher
- Acteurs : Brad Pitt, Elias Koteas, Cate Blanchett, Tilda Swinton, Julia Ormond
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h44mn
- Box-office : 2 595 615 entrées France / 722 813 entrées Paris Périphérie
- Titre original : The curious case of Benjamin Button
- Date de sortie : 4 février 2009
Résumé : "Curieux destin que le mien..." Ainsi commence l’étrange histoire de Benjamin Button, cet homme qui naquit à 80 ans et vécut sa vie à l’envers, sans pouvoir arrêter le cours du temps. Situé à La Nouvelle-Orléans et adapté d’une nouvelle de F. Scott Fitzgerald, le film suit ses tribulations de 1918 à nos jours. L’étrange histoire de Benjamin Button : l’histoire d’un homme hors du commun. Ses rencontres et ses découvertes, ses amours, ses joies et ses drames. Et ce qui survivra toujours à l’emprise du temps...
Critique : Après Zodiac, ce sublime Benjamin Button vient confirmer l’évolution du cinéma de David Fincher vers une sorte d’épure stylistique remarquable au service d’une histoire ample et foisonnante. Le cinéaste américain semble avoir atteint une sagesse étonnante, quand on repense par exemple à la roublardise furieuse de Fight club ou à l’exercice purement formel qu’était Panic room. Cette sagesse est la qualité essentielle des meilleurs conteurs et, assurément, Fincher en fait désormais partie. Son envie de prendre son temps et de céder à la toute puissance du récit était déjà palpable dans son précédent long-métrage et c’est exactement ce qui nous avait séduits. La conséquence immédiatement perceptible, et prosaïque, de ce nouveau plaisir de narration réside bien sûr dans la durée des œuvres (2h35 pour Zodiac, 10 minutes de plus pour Button).
Mais au-delà de ce constat, question mise en scène, c’est l’élaboration de ces plans aérés et placides, dans lesquels on se love avec volupté, qui illustre ce désir simple mais fondamental de raconter une histoire, en mettant le spectateur dans les conditions idéales d’attention, permettant ainsi de délivrer la substantifique moelle du conte. D’où cette chaleur blanche surnaturelle qui se dégage des plans et nous enveloppe durant tout le film, à l’exception des scènes au présent, tournées sous une lumière blafarde, comme pour signifier que l’histoire racontée est toujours plus belle que la réalité. Cette opposition rappelle inévitablement le bancal mais touchant Big fish de Tim Burton.
- © 2008 Warner Bros. Tous droits réservés.
Pour ce qui est de l’histoire à proprement parler, son postulat de départ est simple et efficace : un homme naît avec les symptômes physiques et mentaux d’un vieillard et n’aura de cesse de rajeunir durant toute son existence. Bref, il vit sa vie à l’envers et va tomber amoureux d’une femme, avec toutes les complications que cela implique. L’excellente idée du scénario est d’avoir fait de cet homme extraordinaire quelqu’un d’ordinaire qui va vivre sa vie « normalement », sans que personne n’accorde réellement d’importance à cette singularité. Il ne sera jamais considéré comme un phénomène de foire ou un cas d’étude scientifique. Il faut ici souligner la qualité de l’interprétation de Brad Pitt, tout en retenue, comme une éponge développant ses émotions, en absorbant les expériences personnelles de chaque personnage qui croise sa route. On pense évidemment beaucoup à Forrest Gump et pour cause : il s’agit du même scénariste ! Mais là où le film de Robert Zemeckis s’embourbait dans des fadaises pseudo-philosophiques du type « la vie c’est comme une boîte de chocolat » et nous donnait à ressentir le temps qui passe, en engageant son personnage dans des références historiques grossières (le Vietnam, les hippies, Kennedy etc...), l’œuvre de Fincher choisit de suggérer avec une délicatesse mélancolique les effets du temps sur ses personnages et sur leur environnement. Le cadre intemporel de la Nouvelle-Orléans est un adjuvant de taille dans cette optique d’une évolution tout en douceur. Une douceur languide agréable, mais terriblement cruelle.
L’histoire d’amour entre Benjamin et Daisy, en plus d’être incroyablement originale (ce qui est devenu rare au cinéma), est tout bonnement déchirante, broyée par une logique quasi géométrique, prenant la forme d’une symétrie. Leurs tragiques trajectoires sont tracées d’avance, dès leur rencontre, quand Daisy a une dizaine d’années et Benjamin l’allure d’un vieillard ; cela donne lieu d’ailleurs à une scène dérangeante, qui illustre les segments temporels durant lesquels leur amour sera bien entendu physiquement impossible. Leur bonheur n’est viable qu’aux alentours de l’axe de symétrie. Ils se croisent, les traces du temps disparaissant sur l’un pour apparaître sur l’autre, un phénomène progressif, rythmé par de terribles ellipses, qui échappe fort heureusement au vulgaire pathos.
Au final, le film semble nous dire ceci : que l’on naisse à 0 ou 80 ans, on traverse la vie seul, écrasé par un destin funeste inéluctable, rongé par les remords et les souvenirs qui se noieront de toute façon dans le Styx rampant d’une catastrophe naturelle (Katrina en l’occurrence). Alors autant essayer de bien agencer son emploi du temps imparti.
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Frédéric Mignard 16 janvier 2009
L’étrange histoire de Benjamin Button - David Fincher - critique
La mise en scène de Fincher a gagné en subtilité et, si elle frôle parfois le classicisme, c’est pour mieux approcher le sublime d’une histoire étonnante et surtout émouvante, qui nous renvoie à notre mortalité.
Marine Bénézech 6 février 2009
L’étrange histoire de Benjamin Button - David Fincher - critique
Un film effectivement très beau esthétiquement parlant. Mais soporifique... L’idée de départ était originale mais le film passe complètement à côté du sujet en ne montrant finalement que la vie banale d’un homme somme toute ordinaire - un comble ! Fincher nous avait habitué à plus d’audace. Adapaté d’une nouvelle, Benjamin Button aurait gagné à être plus court car, à étirer les séquences, les émotions elles se délitent.
roger w 12 février 2009
L’étrange histoire de Benjamin Button - David Fincher - critique
C’est une bien belle histoire que nous conte Fincher avec beaucoup de sensibilité, de tact et de pudeur. Jamais mélo ou outrancier, son film se regarde avec un immense plaisir, magnifié par de superbes images et une interprétation de premier ordre. Du beau cinéma classique en somme.
Norman06 29 avril 2009
L’étrange histoire de Benjamin Button - David Fincher - critique
Un joli scénario et quelques trouvailles de mise en scène (l’accident de voiture) qui permettent de retrouver la griffe de Fincher. Du cinéma un peu trop consensuel, noyé par la guimauve, et une inutile séquence de narration par une vieille dame agonisante. Mais cela reste un film de qualité.