Le 3 juin 2023
Tyler Durden revient en salle comme au premier jour. L’occasion de voir ou revoir comment un modeste anonyme rongé par la médiocrité de sa vie, tente de lui redonner un sens en faisant du savon et de la boxe dans un club clandestin.
- Réalisateur : David Fincher
- Acteurs : Brad Pitt, Jared Leto, Edward Norton, Helena Bonham Carter, Meat Loaf, Zach Grenier
- Genre : Drame, Thriller, Film culte
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h19mn
- Date télé : 8 novembre 2024 23:13
- Chaîne : Paris Première
- Reprise: 15 mai 2019
- Titre original : Fight Club
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 10 novembre 1999
- Festival : Festival de La Rochelle 2022
Résumé : Le narrateur, sans identité précise, vit seul, travaille seul, dort seul, mange seul ses plateaux-repas pour une personne comme beaucoup d’autres personnes seules qui connaissent la misère humaine, morale et sexuelle. C’est pourquoi il va devenir membre du Fight club, un lieu clandestin où il va pouvoir retrouver sa virilité, l’échange et la communication. Ce club est dirigé par Tyler Durden, une sorte d’anarchiste entre gourou et philosophe qui prêche l’amour de son prochain.
Critique : Nanti d’une solide carrière de réalisateur de clips musicaux derrière lui, David Fincher avait effectué une entrée quelque peu tonitruante dans le monde du long métrage de fiction en 1992, avec le troisième opus de la série Alien, mais surtout avec Seven (1995), film qui connut dès sa sortie un double succès critique et public, et qui influença pour quelques années le ton des thrillers, marqués par les tueurs en série depuis Le Silence des agneaux.
Mais c’est vraiment avec Fight Club, à nouveau au cinéma vingt ans après sa première sortie en salle, que l’œuvre de Fincher prend avec les années toute son épaisseur. Il ne s’agit pas seulement des fameuses règles du Fight Club si abondamment pastichées. Ni même du succès particulier du film auprès d’un public nombreux, qui a pu y voir l’écho d’une génération. Ce qui frappe avec Fight Club, c’est que vingt ans après, il demeure plus que jamais d’actualité, comme s’il relevait avec une clairvoyance prophétique les évolutions possibles du monde. On pense, bien sûr, à l’image dramatiquement prémonitoire de l’explosion des tours qui clôt le long métrage comme le siècle. Mais c’est, en premier lieu, l’aliénation de l’individu dans la société moderne qui s’impose comme thème fort du film dans la durée.
- © Fox 2000 Pictures, Regency Enterprises. Tous droits reservés.
Le narrateur de l’histoire en est le protagoniste anonyme, qui sombre sous le poids du conformisme, de l’absurdité du travail, de sa misère affective, de l’addiction à la consommation et au confort matériel qu’elle procure, bref, le mal du siècle, la zombification. Ses premières tentatives pour sortir de son marasme psychique le conduisent à adopter des méthodes bien connues des DRH, comme le développement personnel, l’hypnose, les groupes de parole, etc. Mais les souffrances d’autrui ne sont pas le remède propre à le soulager. Il manque l’empathie, le sentiment d’un destin partagé.
C’est Tyler Durden qui le libère en l’invitant, parfois brutalement, à se détacher des convenances et des contingences matérielles. Et c’est le Fight Club que fondent les deux compères, qui donne un sens à son existence. À travers ce club de boxe clandestin, le narrateur a le sentiment d’appartenir à un groupe, la peur disparaît. Il a enfin l’impression d’être lui-même, d’avoir le contrôle. Et en même temps quelque chose cloche, lui échappe. Les clubs se multiplient, les membres semblent être partout, en tout cas parmi les travailleurs, cols blancs et bleus qui se retrouvent pour le plaisir de s’en foutre plein la gueule. Un véritable phénomène de classe, qui vire carrément à l’insurrection fascisante.
- © Fox 2000 Pictures, Regency Enterprises. Tous droits reservés.
Car tout cela est le résultat d’un délire, mais aux effets bien réels, comme le narrateur commence à le découvrir, alors que Durden s’impose de plus en plus en tant que leader charismatique d’un club aux valeurs pourtant égalitaires, alors qu’un gros coup semble se préparer à son insu, et plus encore, alors que Durden disparaît et qu’il part à sa recherche, découvrant à la fois l’ampleur de son action et de la mystification. Et ce délire est bien celui du narrateur, qui découvre sa propre identité et celle de Durden, tandis que tous les autres membres du Fight Club abandonnent la leur en devenant à leur tour anonymes, ou plutôt en s’appropriant l’identité de leur premier martyr, Robert Paulsen.
- © Fox 2000 Pictures, Regency Enterprises. Tous droits reservés.
Et dans tout ce délire, il y a Marla Singer. Marla, qui assiste aux mêmes groupes de paroles que notre héros, qui est “le petit caillou coincé dans la chaussure”. Marla, qui n’est pas dupe et l’interpelle sur la folie dans laquelle il continue de sombrer avec Durden. Marla, l’ange gardien trash qui l’ancre dans le réel en dépit de tout, jusqu’à l’accompagner pour assister au grand final épiphanique, véritable burn out annonciateur d’un monde à reconstruire.
Fight Club est à la fois le témoin direct et la satire caustique d’un monde duquel Internet est absent, mais qui anticipe la capacité des réseaux sociaux à drainer les frustrations, à verser dans la violence ou à constituer une échappatoire aliénante aux affres non moins aliénantes de la société moderne consumériste et laborieuse. Fincher y poursuit non sans malice et nonchalance l’exploration des racines et manifestations du mal qui habite toute son œuvre. Mais il identifie une dimension plus collective, presque politique, qui s’entremêle avec l’appétence individuelle pour le mal. Désormais chez Fincher, le monstre n’est plus seulement un tueur fou ou un une créature extraterrestre prédatrice. Il est à la fois autour et au dedans de nous, puisqu’il réside dans la domination qu’exercent sur l’individu les injonctions d’une communauté (jusqu’à la néantisation de la personne, réduite à un anonymat complet ou à un pseudonyme), mais aussi dans la capacité qu’a ce même individu à emporter le groupe dans le mensonge que ce dernier a envie ou besoin de croire.
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nourelbh 10 avril 2020
Fight Club - David Fincher - critique
le vrai message derrière n’est pas discuté, FC c’est plus que ça ! il faut être intelligent pour comprendre le message, c’est aussi possible en se voyant à la place de jack maybe, mais plus en voyant qu’une SEULE personne tout au long du film !
jonas0_13 15 mars 2021
Fight Club - David Fincher - critique
Habituellement je suis assez d’accord avec les critiques de avoir-alire que j’apprécie ; mais là je ne comprends pas. J’ai détesté ce film ennuyeux, glauque, violent, malsain ; il faut vraiment faire des contorsions intellectuelles pour réussir à y voir ce que vous y avez vu. Je note d’ailleurs que de Libération au Figaroscope, en passant par le Monde, les Inrocks, les Cahiers du Cinéma ou le Parisien, la plupart des critiques ont détesté ce film complaisant.