Notre avis : Trente-cinq ans, ce n’est pas vieux. Et pourtant, Cat se retourne déjà sur son passé. Comment en est-elle arrivée là ? Pourquoi combat-elle son alcoolisme de haute lutte ? Le récit, qui navigue sans cesse entre passé et présent, et brouille aussi les pistes sur la véracité de certains détails, se déroule la plupart du temps dans le Michigan, où la famille de la narratrice est contrainte de s’installer, puisque le père est parti. Esseulés dans un bled paumé, Silver Lake, sans argent, le grand frère Jimmy, la mère aux petits boulots précaires et la jeune Cat, alors adolescente, tentent de survivre entre les murs d’une maison en bois préfabriquée. Leur trajet, c’est l’histoire d’une déchéance familiale, sur fond d’environnement hostile : dans cette région du nord de l’Amérique, les hivers sont particulièrement neigeux, le printemps humide, les étés courts et chauds. A l’exception d’une station service, il n’y a rien. Alors, on tue le temps comme on peut, le plus souvent en se défonçant.
Et c’est avec la plus junkie des autochtones que Cat fera bientôt connaissance : Marlena, la jeune voisine d’en face, à qui le père, hyperviolent, trafiquant de drogue, laisse l’éducation du petit frère, un charmant gamin de huit ans. Mais l’adolescente n’a pas toujours les moyens de s’en occuper et quand elle veut avoir la paix, elle ajoute discrètement quelques médicaments dans son chocolat à boire.
Si le pitch de ce premier roman renvoie aux invariants d’un drame social, la réalité s’éloigne d’un schéma fataliste, parce que Marlena est une formidable force de la nature qui se fiche des conventions. La relation d’amitié qu’elle noue avec Cat emprunte des chemins de traverse, bien loin de l’école. Flanquée de cette version féminine et destroy d’Augustin Meaulnes, la narratrice découvre l’enivrant parfum du danger, sur fond de paradis artificiels et d’initiation sexuelle. Jusqu’au drame qu’on ne dévoilera pas, mais qui explique, en grande partie, la persistance du souvenir. Comment poursuivre sa vie normalement quand on a connu Marlena ?
Dynamique et rythmé, le style de Julie Buntin aimante constamment l’attention, comme sa fragile et inoubliable héroïne.