Le 15 juillet 2004
Manu Larcenet continue de surprendre par la diversité de ses productions. L’auteur de Bill Baroud et de Donjon Parade vient de publier le tome 2 du Combat ordinaire, dont le premier volume a été sacré meilleur album du dernier Festival d’Angoulême. Il a accepté de répondre à nos questions.
Rencontre avec le créateur du Combat ordinaire.
Vous êtes devenu en l’espace de quelques années un auteur incontournable. Comment vivez-vous cette notoriété ?
Ce n’est pas tant la notoriété qui a changé, ce sont les revenus (rires) ! Et puis cette notoriété, c’est surtout Le combat ordinaire qui l’a engendrée, c’est le fait d’un seul album...
A ce titre, le prix du meilleur album d’Angoulême a-t-il modifié quelque chose dans votre façon de travailler ou d’aborder la BD ? Et dans votre relation avec vos lecteurs ?
Franchement ce prix n’a pas changé grand-chose. En revanche ça a été une vraie surprise. Par rapport à mes lecteurs, non, il n’y a pas eu de changement. Il y a juste un peu plus de pression. Et on a toujours envie que ça continue comme ça.
Vous semblez prendre un plaisir non dissimulé à vous mettre en scène dans vos récits, dans Le combat ordinaire par exemple. D’après vous, le genre autobiographique est-il sous-estimé ou mal exploité en BD ?
Non, Le combat ordinaire n’est absolument pas un album autobiographique, pas du tout. Même si j’utilise quelques détails de ma vie, tous les personnages sont des personnages de fiction. En ce qui concerne le genre autobiographique, je n’ai pas cette impression. Tous les éditeurs, même les plus petits, se mettent à faire de l’autobiographie...
Votre bibliographie est très impressionnante. Vous publiez entre trois et cinq albums par an. Vous considérez-vous comme un bourreau de travail ?
Non. C’est naturel pour moi, je ne fais pas d’effort. Je fais une page différente par jour. La génération des auteurs qui passaient trois semaines sur une planche est terminée. On a plus la même manière de raconter les choses, c’est comme si je faisais mes huit heures. Je ne supporte pas de rester plus d’une journée sur une page.
Quel est l’album dont vous êtes le plus fier ?
L’album dont je suis le plus fier ? Aucun ! En fait, j’aime tel dessin dans celui-là, tel personnage dans tel autre... Il faudrait regrouper l’ensemble pour que je sois vraiment fier d’un album.
Celui dont que vous ne referiez pas ?
Il y en a trente-trois que je ne referais pas. Simplement parce que j’ai trente-trois ans, que j’ai commencé à l’âge de vingt-quatre ans et qu’il y a un tas des trucs qui maintenant me paraissent étrangers, qui ne me concernent plus et que je ne pourrais pas refaire.
Quelle différence faites-vous entre les albums rédigés à plusieurs et le travail en solo ? Est-ce que cela a une influence sur votre manière d’aborder le dessin ou de traiter un scénario ?
Oui, bien sûr. C’est beaucoup plus complexe en solo, dans la mesure où, quand on crée à deux, je laisse le scénariste faire ce que je ne sais pas faire. Le travail de collaboration, pour moi, c’est du repos. Et, évidemment, selon les personnes avec qui l’on travaille, les préoccupations sont différentes. Je dessine ce que l’histoire demande, le graphisme doit coller avec le scénario. Donc, selon que je travaille avec Jean-Yves Ferri ou Lewis Trondheim, je ne dessine pas de la même façon.
Vous appréciez de mettre en scène des personnages historiques, réels ou non (Robin des Bois, Van Gogh...). Pourquoi ce choix, et avez-vous d’autres projets de ce côté-là ?
Tout simplement parce que les personnages connus m’évitent d’avoir à expliquer qui ils sont. C’est beaucoup plus facile. Quand je fais une blague sur la couleur jaune avec Van Gogh, tout le monde comprend à cause des tournesols. Sinon, je n’ai aucun projet nouveau en tête.
Le second tome du Combat ordinaire est extrêmement fort, notamment au niveau des relations père-fils. La mort est quelque chose qui vous fait peur ? Que vous considérez comme un tabou ?
Oui, comme tout le monde je pense... Mais ce qui m’intéresse, c’est ce qui se passe avant. La mort permet de débloquer les choses. Dans Le combat ordinaire, elle permet au père et au fils d’avoir un dialogue qu’ils n’avaient jamais eu. En ce sens, la mort m’intéresse.
Les problèmes de société sont également très présents dans vos BD (chômage, montée du FN...). Vous considérez qu’un auteur doit forcément véhiculer un message ?
Pas du tout, non. Je suis le premier à refuser qu’on me donne des leçons alors ce n’est pas pour le faire dans mes albums. Ce que je donne, ce sont des pistes de réflexion.
Par rapport à ces pistes, vous mettez en scène des personnages au passé lourd mais à qui l’on pardonne, par la force des choses. Vous êtes favorable au pardon ?
Non ! Je suis très rancunier. J’ai énormément de mal à pardonner. Je pardonne très peu... Et c’est pour ça que je disais que Le combat ordinaire n’était pas du tout autobiographique. Jamais je ne réagirais comme le personnage de Marco.
Combien de tomes comprendra Le combat ordinaire ? Le scénario est-il déjà écrit ?
Je ne sais pas. Au départ, il y en avait quatre dans mon esprit. Mais il y en aura moins si je n’ai pas d’idées, ou plus si je suis inspiré ! J’ai une trame très légère mais pas de scénario.
Propos recueillis le 5 juillet 2004
Photo Manu Larcenet © Dargaud/Rita SCAGLIA
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