Le 19 juillet 2016
Un premier film charmant, léger, et qui pourtant se teinte d’une douce mélancolie.
- Réalisateur : Philippe de Broca
- Acteurs : Jean-Pierre Cassel, Geneviève Cluny
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 1er juin 1960
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Résumé : Victor et Suzanne, qui vivent ensemble depuis deux ans, ne cessent de se disputer, en particulier parce que Victor refuse d’être père. Profitant de cette situation, François, l’ancien petit ami de Suzanne, tente de reconquérir la jeune fille.
Un premier film charmant, léger, et qui pourtant se teinte d’une douce mélancolie.
Notre avis : Fondé sur un scénario écrit par l’actrice principale, contemporain des débuts de la Nouvelle Vague, le premier film de Philippe de Broca porte en germe de nombreux thèmes de ses œuvres futures ; là où le scénario parlait d’une femme qui voulait un enfant et était prête à le « faire seule », le cinéaste et son fidèle dialoguiste Daniel Boulanger recadrent l’histoire sur le portrait d’un égoïste cyclothymique que Jean-Pierre Cassel met toute sa fantaisie à faire exister.
Une femme, Suzanne, la délicieuse Geneviève Cluny, vit avec Victor dans une boutique surchargée ; il peint des roses, elle fait tout le reste ; elle veut un enfant, il refuse ; de disputes en réconciliations, ils cherchent un modus vivendi. Et il y a le voisin d’en face, François, amoureux de Suzanne et prêt au mariage et à la
paternité. À petites touches, de Broca enregistre une époque, entre insouciance et mélancolie : il y a le bar voûté où l’on danse et dans lequel le réalisateur excelle à suivre et perdre les couples ; mais il y a aussi tous ces gens, comme la buraliste ou l’ancien soldat, tous ces gens qui cherchent à qui parler, des anonymes plus ou moins curieux (et quelle galerie de seconds rôles, du génial bafouilleur Pierre Repp à Jackie Sardou, de Mario David à un Claude Chabrol bougon) qui dessinent en creux un contrepoint à la légèreté apparente ; on sait que, comme chez Marivaux dont le titre s’inspire, les affaires de cœur sont complexes et s’apparentent à une guerre sans merci. Il y a bien une guerre ici, qui aurait aussi bien pu aboutir à un drame ou une tragédie ; mais le domaine de de Broca, c’est la comédie, poétique si possible. D’où des séquences gratuites, qui sont peut-être les plus belles, dans lesquelles le cinéaste se plaît à regarder vivre ses acteurs : la danse de Geneviève Cluny, l’errance de Jean-Pierre Cassel ou des trajets en voiture. Il sait alterner les scènes dynamiques et celles plus lentes dans lesquelles pointe une tristesse vague, tristesse qui aboutit à l’abandon douloureux de François.
Mais bien sûr, le vrai thème du film est celui de la difficulté à dépasser l’immaturité : Victor est un gamin capricieux, qui ne tient pas compte de sa compagne ; capable de chanter et danser comme de ne rien supporter, de partir sans prévenir ou de se repentir en riant, il charme et agace. Les jeux de l’amour est le récit de son passage à l’âge adulte. Mais cette acceptation se fait comme une démission et le dernier plan l’isole une dernière fois : c’est la vie qui a gagné, mais une vie qui est autant un renoncement qu’un choix. On le voit, malgré la légèreté apparente, et bien réelle, le film ne distille pas à jets continus un bonheur parfait : de Broca sait qu’il n’ y a pas de joie sans mélange, et le fait ressentir avec grâce. Il est d’ailleurs curieux qu’une œuvre aussi sautillante laisse pareil goût amer.
On pourra trouver le cabotinage de Cassel excessif, mais la qualité des dialogues, la vivacité de la mise en scène, l’énergie communicative et disons-le, la brièveté du film, font que non seulement on ne s’ennuie pas, mais on est emporté par un mouvement, un tourbillon qui font de Les Jeux de l’amour un petit objet charmant. Ni pesanteur ni cruauté : même la tristesse est tendre, tendre comme le regard que porte de Broca sur tous ses personnages.
Par curiosité, on peut signaler que le même (?) scénario a donné Une femme est une femme de Godard …
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