Promenades d’hiver
Le 30 janvier 2011
Naruse sur les cimes dans ce drame mélancolique et poignant illuminé par le sourire de Setsuko Hara et des trouées de lumière. Adapté d’un roman de Tanizaki.
- Réalisateur : Mikio Naruse
- Acteurs : Setsuko Hara, Sō Yamamura, Ken Uehara, Yôko Sugi, Chieko Nakakita, Teruko Nagaoka
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h34mn
- Reprise: 11 janvier 2017
- Titre original : 山の音 - yama no oto
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/...
- Festival : Histoire des grands studios japonais : 4e volet - La Tôhô
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– Sortie au Japon : 15 janvier 1954
Résumé : Shingo Ogata, homme d’affaires d’âge mûr, travaille à Tokyo mais habite dans la banlieue résidentielle de Kamakura avec sa femme Yasuko, son fils Shûichi et sa belle-fille Kinuko. Schûichi, qui a une maîtresse en ville et rentre rarement pour diner, fait montre d’une extrême froideur envers sa femme. Celle-ci s’entend fort bien avec son beau-père.
La fille de Shingo, Fusako, ayant quitté son mari, vient s’installer dans la maison avec ses deux enfants
Notre avis : Publié chapitre par chapitre dans différentes revues entre 1949 et 1954, ce qui explique peut-être qu’il n’ai pas véritablement d’intrigue suivie, le roman Yama no oto est considéré comme une des oeuvres majeures de Yasunari Kawabata (Prix Nobel de littérature en 1968). Cette chronique familiale méditative qui épouse le point de vue d’un père de famille légèrement en retrait, homme d’âge mûr observant impuissant le malheur qui l’entoure, ne pouvait que séduire Naruse qui en tourna, à la fin de 1953, cette adaptation écrite par Yoko Mizuki, déjà scénariste de plusieurs de ses films précédents : Okasan - La mère, Fûfu - Un couple et Ani imoto - Frère aîné, soeur cadette.
Ne retenant que quelques uns des innombrables épisodes et micro-événements développés par le roman, l’adaptation privilégie la relation d’amitié amoureuse pleine de non-dits entre Shingo et sa belle fille Kinuko. So Yamamuro, vieilli de vingt ans sans que le maquillage soit trop voyant, incarne ce vieil homme qui s’efforce de remplir, sans trop y croire, son rôle de Pater Familias avec une dignité résignée et se prépare déjà à la fin inéluctable mais qui est comme rappelé à la vie par cette jeune femme que l’échec de son mariage n’empêche pas d’avoir toujours le sourire au lèvre et un regard attentif à la beauté du monde. C’est d’ailleurs en retrouvant ce sourire sur un masque Nô que lui propose un revendeur qu’il prendra conscience de ses sentiments véritables, se gardant bien de les révéler.
L’immense Setsuko Hara, déjà sublime dans Meshi - Le repas et qui tournera deux autres films avec Naruse, est totalement craquante dans le rôle sur mesure de Kinuko et réussit à bouleverser sans jamais forcer le trait en incarant cette jeune femme moins soumise qu’il n’y paraît : bien que regrettant de n’avoir pas d’enfant elle fait le choix d’avorter sans rien dire à personne.
Les scènes réunissant le beau-père et la bru, marchant côte à côte ou commentant, dans une éclaircie finale inespérée et bien fragile, la vista, le jeu de perspective qui fait paraître un parc plus grand qu’il n’est en réalité, sont assurément les moments où l’émotion qui sous-tend tout le film comme un courant ininterrompu atteint son degré d’intensité maximal.
Les autres personnages ne sont pas moins complexes et les acteurs qui les interprètent, et qui avaient pour la plupart déjà travaillé avec Naruse précédemment, sont tous admirables : Ken Uehara (Shûichi), qui reprend, en plus antipathique, son rôle de mari boudeur de Meshi, Fûfu et tsuma - épouse ; Yôko Sugi (sa partenaire dans Fûfu) en secrétaire de Shingô acceptant à contre coeur de le mettre en relation avec la maîtresse de son fils dont elle est sans doute secrètement amoureuse ; Teruko Nagaoka en épouse terre à terre un brin dépassée par les évènements mais qui ne manque pas de rappeler à son mari que ce n’est pas elle mais sa soeur morte qu’il aimait ; mais aussi Chieko Nakakita (Fusako, la fille au physique ingrat rongée de ressentiment), Rieko Sumi (Kinuko, la maîtresse de Shûichi, qui demande insolemment à Shingo s’il veut un reçu pour l’argent qu’il lui propose maladroitement) ou Yatsuko Tan’ami (l’amie de Kinuko, spectatrice dont on ne sait trop à quel point elle est partie-prenante).
L’attention aux gestes quotidiens, la présence presque palpable des éléments naturels, en particulier dans la magnifique séquence du typhon qui n’est pas sans rappeler l’orage de Inazuma - L’éclair (1952), quelques discrètes touches d’humour (la petite fille qui tire la langue ou les ronflements de l’épouse), les éclats de lumière qui trouent l’ambiance nocturne dans laquelle le superbe travail du chef opérateur Masao Tamai plonge la plupart des scènes, font de ce film poignant mais constamment sotto voce, qui traite avec délicatesse et fermeté des thèmes crus, une réussite égale à celle de Ukigumo - Nuages flottants. C’est à dire, n’ayons pas peur des mots, un des plus beaux films qui aient jamais été réalisés.
Signalons que La Maison de la Culture du Japon à Paris programmera sept films de Naruse dans le cadre de la grande rétrospective consacrée, du 8 février au 31 mars 2011, à la Tôhô.
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