Le discours d’un roi : le film aux 4 Oscars 2011
Le 6 mai 2023
Une merveille d’émotion qui a tout compris au langage cinématographique. Le chef-d’œuvre de ce début d’année...
- Réalisateur : Tom Hooper
- Acteurs : Colin Firth, Geoffrey Rush, Helena Bonham Carter, Derek Jacobi, Robert Portal, David Bamber, Eve Best
- Genre : Drame, Biopic, Historique, Drame historique
- Nationalité : Américain, Britannique, Australien
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h58mn
- Date télé : 15 octobre 2023 21:05
- Chaîne : 6ter
- Titre original : The King's Speech
- Date de sortie : 2 février 2011
Résumé : Grande-Bretagne, Londres, entre deux guerres. Albert, alias Berthie, coule des jours heureux dans sa modeste demeure de Picadilly. Fils de l’éminent Georges V, frère du charismatique Edouard VII, timide et bègue,l’homme ne semble pas taillé pour le pouvoir. Mais l’Histoire en décide autrement. Contraint et forcé de prendre la couronne des mains d’un aîné préférant l’amour d’une Américaine, le jeune roi se heurte à la tendance du moment : la radiophonie...
Critique : Donné grand favori aux Oscars en ce début d’année 2011, après sept nominations aux Golden Globes et une récompense du prix du public au festival de Toronto, Le discours d’un roi est un de ces films que l’on aime sans condition.
Une histoire drôle, raffinée, profonde, et terriblement humaine, celle d’un homme ordinaire qui se bat pour mériter un destin extraordinaire.
Dernier né du réalisateur Tom Hooper (remarqué précédemment pour The Damned United), le long-métrage retrace avec émotion le combat de Georges VI, souverain malgré lui, notamment lors de la Seconde Guerre mondiale. Un scénario qui a le mérite d’éclairer un pan de l’Histoire britannique méconnu du grand public.
Peinture discrète de la société anglaise d’avant-guerre, Le discours d’un roi interroge sur la pertinence de l’aristocratie et de la royauté. Alors que les dominions s’autonomisent, que le gouvernement trace la ligne politique du pays, à quoi peut encore bien servir un roi ? La fonction se réinvente d’autant plus que l’époque est à la radio directe : « du jour au lendemain, il doit s’adresser aux cinquante pays qui composent l’Empire, soit un quart de la population mondiale ». Tributaire du nouveau phénomène médiatique de masse, Georges VI, voit son titre et ses courbettes se transformer en un véritable métier : celui d’orateur.
Un conte de fées méritocratique à la saveur toute moderne, où les monarques quittent leurs trônes pour des roturières, où le talent de comédien prime sur les attributions royales, et où les princes bègues à force de travail, peuvent devenir roi. Un beau sujet servi par une intelligence de mise en scène, dans l’humilité et la simplicité, laissant au silence toute la place qui lui revient. Et nombreuses sont les scènes ou l’attente de la première parole se révèle source de tension et d’appréhension pour le spectateur. Seul face au micro, qui au fur et à mesure de l’histoire, prend autant d’importance qu’un personnage, Colin Firth est magistral.
Dans la retenue gestuelle et le silence complexé, il s’anime de tressautements, de tics nerveux, la peur au ventre et surtout lisible dans les yeux : une excellente performance pour l’acteur qui joue sur l’équilibre fragile entre une retenue toute anglaise et l’explosion de colères refoulées.
Intimiste, le réalisateur fait le choix de la petite histoire tout en restant à distance, par pudeur. Un parti pris qui permet de dresser un portrait psychologique du jeune roi, mais aussi et surtout, de tirer un amer constat de l’éducation froide et cruelle alors dispensée aux enfants.
De la scène radiophonique aux consultations psychanalytiques, Berthie (surnom affectueux de Sa Majesté Albert ) sort de l’ombre, explose son carcan protocolaire, et « tue » le père et le frère aux côtés d’un Geoffrey Rush (Sir Lionel Logue) décomplexé.
Un jeu très physique frisant parfois la pantomime, mais tempéré par la gravité légère et le sarcasme poli d’un spécialiste du langage attachant, même pas docteur de profession ! Sauts, respirations, jurons, aveux hurlés, révélations chantées : la thérapie donne lieu à de savoureux échanges, toujours dans la dérision et le raffinement. Une finesse que partage Helena Bonham Carter, majestueuse et pleine d’esprit dans le rôle de l’épouse bienveillante (la reine mère, en fait, décédée en 2002). Et si le film touche autant, c’est sûrement par l’humanité de ses protagonistes.
Une authenticité fruit d’un fidèle travail de reconstitution historique (notamment pour le personnage de Sir Lionel Logue, dont le journal intime fut retrouvé par hasard deux mois avant le tournage) mais aussi et surtout, comme nous l’apprend le réalisateur, de multiples résonances personnelles.
Si peu d’éléments ont pu être retrouvés pour le personnage de Berthie, le travail de caractérisation s’est fortement inspiré de l’enfance du scénariste David Seidler, lui même bègue dans l’Angleterre des années trente. Une aubaine pour Colin Firth, lequel confie :
« ce n’est pas tant le bégaiement que j’ai cherché à jouer que l’angoisse que cela peut générer ». »
Une véritable leçon de vie qui tire en plein cœur.
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Norman06 3 février 2011
Le discours d’un roi - la critique
Agréable biopic, bien écrit et sobre, ce récit n’est pas loin de certains bijoux ciselés par Ivory. Le jeu (trop) shakespearien des acteurs, la sage reconstitution et l’académisme du dénouement sont les limites d’un film qui souffre de la comparaison avec The Queen. Et en dépit de sa prestation oscarisable, on préférait Colin Firth en Valmont ou en universitaire décalé dans A Single man. Cela reste toutefois une œuvre tout à fait recommandable.
Frédéric de Vençay 11 février 2011
Le discours d’un roi - la critique
En effet "The king’s speech" reste un biopic sans prise de risques et assez consensuel, et en effet Colin Firth était plus éclatant (plus sobre aussi) dans le chef-d’oeuvre de Tom Ford. Le film de Tom Hooper bénéficie tout de même d’une qualité d’écriture et d’interprétation (mention spéciale au génial Geoffrey Rush, sur le fil entre cabotinage et sensibilité) qui nous fait passer un moment largement agréable, malgré un ensemble un brin policé.
Jujulcactus 17 février 2011
Le discours d’un roi - la critique
Le nouveau film de Tom Hooper ouvre le bal des sorties à potentiel d’oscar, précédant ainsi « Black Swan », « 127 heures » ou encore « True Grit » ... Il fait d’ailleurs figure de favoris aux statuettes depuis les dernières récompenses tombées en Janvier ... Le film se base sur l’histoire vraie de George VI, arrivé sur le trône britannique malgré lui après le décès de son père et le forfait de son frère, en ciblant principalement son propos autour du handicap de l’homme : son bégaiment. Un épisode assez méconnu mais passionant ... Dans le rôle principal on retrouve Colin Firth, fantastique dans « A single man », il est ici tout simplement magistral (a voir en VO pour en prendre la pleine mesure). Il irradie l’écran de son malaise, de son manque d’assurance devant un rôle à l’enjeu écrasant. C’est là, la plus grande réussite de son réalisateur : retranscrire le poids plombant qui tombe sur les épaules d’un homme qui ne se sens pas en mesure d’assumer un tel rôle (en particulier dans un contexte où la guerre menace à chaque instant). Pour compléter le casting, Helena Bonham Carter et Goeffrey Rush sont impeccables. L’enrobage du récit est assez classique et sobre mais la mise en scène raffinée séduit, tout autant que la BO et ses airs classiques. Plus que le discours historique, c’est ici la vie d’un homme qui se bat contre lui même pour satisfaire les exigences de tout un peuple, le tout est chargé d’une émotion sourde et continue qui affleure parfois (la relation du futur roi avec son frère, son orthophoniste ou sa femme), et d’un petit humour british agréable. Après le film a-t-il l’étoffe du chef d’oeuvre annoncé ? Peut-être pas. Trop académique et lisse dans son essai de biopic, le film se fait « trop propre sur lui ». Il aurait gagner à densifier son propos en sortant de son schéma balisé pour surprendre un minimum (c’est aussi le revers d’adapter une histoire vraie). Mais il s’agit assurément d’un grand film, avec une approche très intéressante d’un fait historique.