Spectateurs au bagne !
Le 17 mars 2024
Avec un casting détonnant et un réalisateur oscarisé, l’adaptation cinématographique de la comédie musicale des Misérables est la déception de 2012. Larmoyant et finalement pathétique.
- Réalisateur : Tom Hooper
- Acteurs : Russell Crowe, Hugh Jackman, Helena Bonham Carter, Anne Hathaway, Sacha Baron Cohen, Amanda Seyfried, Eddie Redmayne, Daniel Evans, Bertie Carvel
- Genre : Drame, Comédie musicale, Musical, Nanar
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h30mn
- Date de sortie : 13 février 2013
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Résumé : Dans la France du XIXe siècle, une histoire poignante de rêves brisés, d’amour malheureux, de passion, de sacrifice et de rédemption : l’affirmation intemporelle de la force inépuisable de l’âme humaine. Quand Jean Valjean promet à Fantine de sauver sa fille Cosette du destin tragique dont elle est elle-même victime, la vie du forçat et de la gamine va en être changée à tout jamais.
Critique : Adapter du Victor Hugo était déjà osé. Mais le faire en chanson était le risque de trop. Tiré de la comédie musicale anglaise à succès du même nom, le film Les Misérables est un projet de longue haleine entamé bien avant le très réussi Le discours d’un roi. Colossale et pharaonique, la production (Working Title) fait dans le grandiose et attache au projet un casting irréprochable : Hugh Jackman, Russel Crowe, Anne Hathaway, Amanda Seyfried. Tous les ingrédients semblent réunis pour faire recette. Et pourtant, la sauce ne prend pas. Monotone et monocorde, Les Misérables réussit le tour de force de nous endormir à coups de cris et hurlements. Au delà du fait que le chant n’épargne aucune réplique même les plus insignifiantes (à forte dose, ce sur-étalage d’emphase et de lyrisme irrite même les plus sensibles d’entre nous), la mise en scène est d’une ringardise sans nom. Loin de jouer le jeu de la créativité, le cadre semble invariablement se répéter, sur-dévorant le visage des acteurs d’un gros plan grossier, délaissant bien trop souvent le décor à l’arrière plan. Avec un budget d’une opulence folle, Les Misérables n’a pourtant pas à rougir de l’univers qu’il propose. Certes, quatre-vingt pour cent du film se joue en plateaux reconstitués, mais l’ambiance est là. Et malgré une approche historique quelque peu biaisée (l’ouverture du film sur la mise à terre des galères par les bagnards laisse à douter de son réalisme), durant la première demi-heure, on se sent dans ce mélo comme un poisson dans l’eau. Certaines scènes sont même d’une pure poésie, telle l’échappée de Jean Valjean (Hugh Jackman) à flanc de montagne périgourdine, la clameur de sa complainte se confondant aux cris du vent.
Côté jeu d’acteurs, la coupure est à double tranchant. D’une part, de bonnes surprises (Hugh Jackman et Russel Crowe savent chanter) et de l’autre, le désespoir d’un répertoire entaché de trémolos spectaculaires et vocalises outrancières. Anne Hathaway et Amanda Seyfried sont sur ce point d’une niaiserie inimitable (quoiqu’Amanda, alias Cosette, se rattrape par la beauté de son timbre cristallin). Au delà de cette fausse note, reste un fait plus grave à souligner, une erreur de ton. Si la production choisit d’accoler le nom de William Nicholson, scénariste mélomane, il en oublie sous la musique la subtilité du propos d’Hugo. Alors que dans le roman, la complexité de la relation Javert/Valjean interrogeait les notions de bien, de mal, d’ennemi, d’ami, de chasseur, de proie, le film se contente de retracer un simple jeu, celui du chat et de la souris. Manichéenne, l’approche sociale du combat révolutionnaire, sous le prisme de Hooper, semble n’être qu’une action passionnée, puérile et irréfléchie. Passés sous silence, le contexte, les motivations et les racines du mouvement n’ont pour le cinéaste que peu d’importance.
C’est sûr, l’étincelle de la réflexion est moins flamboyante que la glorieuse diatribe d’une révolution éternelle (dix minutes de résolution à imager une chimérique barricade humaine victorieuse, plus qu’une erreur historique, donne la désagréable sensation de recevoir une leçon de militantisme...). Au final, la seule réussite du film reste la lumière, symbolique, minutieuse et contrastée, et le jeu de Hugh Jackman, tout en finesse et en intériorité, incarnant à la perfection les tourments de Jean Valjean, bagnard au grand cœur. Enfin, petite concession, le duo Thénardier formé par Helena Bonham Carter et Sacha Baron Cohen est jubilatoire de fourberie ! Malgré une beauté plastique lisse mais manifeste, Les Misérables surexpose l’émotion et tue la justesse. Au point de n’être qu’un pamphlet ronflant et prétentieux n’apportant substantiellement rien de nouveau à une œuvre littéraire d’une toute autre subtilité. Un crève-cœur.
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