Laurent Perrin - Le coffret DVD

L’oeuvre presque complète de Laurent Perrin, cinéaste singulier trop rare et à redécouvrir impérativement.

Les films :
– Passage secret : Deux adolescents de seize ans profitent du mois d’août pour arpenter les toits de Paris et cambrioler les appartements vides... Ils pénètrent dans le grenier d’un musée et dérobent un automate et un bijou...
– Buisson ardent : Une fillette issue d’une famille aisée et le fils de la bonne sont inséparables... Après dix ans d’absence, ils se retrouvent et continuent d’éprouver l’un pour l’autre des sentiments très forts...
– Trente ans : Dans les années 70, trois amis d’enfance montent une pièce de théâtre pour aider des réfugiés chiliens. Un soir, surgit une énigmatique jeune femme. Elle deviendra l’actrice vedette mais aussi la tentation des trois amis...

Notre avis : Tournés entre 1984 et 1999, les trois long-métrages réunis dans le coffret (ne manque que le sympathique Sushi sushi de 1991) ont chacun leur couleur propre mais n’en dessinent pas moins un territoire singulier que le cinéaste n’a, on l’espère, pas fini d’explorer bien qu’il se soit, depuis, consacré exclusivement au documentaire.
– Passage secret : Ce roman d’apprentissage mélancolique aux chassés croisés feuilletonesques doit une partie de son charme, intense, à l’atmosphère particulière de Paris au mois d’août. Perrin et son co-scénariste Olivier Assayas s’aventurent avec bonheur sur les pas de Feuillade et Rivette, tout en faisant entendre une musique singulière. Une petite merveille à redécouvrir d’urgence et qui justifierait à elle seule l’acquisition du coffret.
– Benoit Jacquot, auteur du scénario, imprime indéniablement sa marque au superbe Buisson ardent, Prix Jean Vigo 1987 : dialogues incisifs, tension des rapports de classe (maîtres-domestiques) sous une harmonie de surface, amours enfantines qu’on essaie vainement de perpétuer à l’âge adulte, situations anodines toujours sur le point de basculer et atmosphère feutrée au bord de l’explosion. La délicatesse de touche de Perrin tempère un peu cette violence sèche, enrichit la palette de couleurs et d’harmoniques, mais le choc du feu et de la glace est imparable et l’interprétation, toute de fièvre froide, de Jessica Forde, Jean-Claude Adelin ou du regretté Simon de la Brosse est admirable. Sans parler d’Anne Brochet qui, en quelques scènes, donne un relief étonnant à un rôle à priori secondaire.
– Dans Trente ans c’est le rôle central qui est dévolu à Anne Brochet, encore une fois magnifique. Son personnage insaisissable (elle disparaît presque entièrement à la moitié du film avant de réapparaître à la fin) est au coeur des intrigues et rivalités amoureuses qui, entre théâtre et politique, composent une trame dont les ellipses temporelles accentuent encore le caractère intensément romanesque.
Refusant les facilités d’une construction bétonnée, Perrin et sa co-scénariste Camille Taboulay avancent pas à pas, scène par scène, maniant un humour délicieux, jamais méprisant (l’épisode dunkerquois) et font surgir l’émotion sans la souligner, toute tentation d’esbroufe étant bannie de ce film à l’apparence modeste mais qui touche juste et profond.
Les acteurs, qui forment une véritable troupe sont tous épatants, mais on soulignera la performance de Laurent Lucas, héros souvent antipathique mais néanmoins très attachant (et aux impayables changements de coiffure), et les prestations, drôles et touchantes, de Nathalie Richard, de Julie Depardieu, et d’une irrésistible Arielle Dombasle découvrant sa chambre d’hôtel toute rose ou, amusée qu’on la compare à un papillon, se plaignant d’être oubliée sous le feu d’un projecteur (Il est en train de se brûler les ailes, votre papillon !).
Passé relativement inaperçu lors de sa sortie en 2000 ce film magnifique méritait amplement la nouvelle chance que lui donne cette édition DVD et constitue la révélation du coffret.
30 ans Buisson ardent

Le DVD
Un exceptionnel coffret de trois DVD permet de redécouvrir dans des conditions optimales la quasi totalité de l’oeuvre de laurent Perrin.

Les suppléments

Le terme de bonus paraît inapproprié pour désigner l’exceptionnel ensemble de courts-métrages et documentaires, tous signés Laurent Perrin, qui figurent au programme à côté des trois films principaux :
– Scopitone (1980), co-écrit par Assayas, nous transporte dans un squat de Belleville en pleine vague de démolition à la fin des années 70 ou Place de la République lors d’une manifestation du premier mai. 37 minutes d’ambiance punk, souvent drôle et empreintes d’un fort parfum de nostalgie.

Jimmy Jazz

- Durant les 25 minutes du charmant Jimmy Jazz (1982), à l’ambiance proche de celle du précédent, on a grand plaisir à croiser, du côté de Barbès, Fabrice Luchini, Valérie Mairesse ou Caroline Loeb.
– Débutant par un extrait de Charlot à Barbès, un court métrage amateur tourné par le débutant Perrin dans les années 70, Vocation cinéaste (2006), passionnante enquête sur le métier de metteur scène laisse la parole à Benoit Jacquot (maître en cinéma de Perrin qui fut son assistant sur Les ailes de la colombe) mais aussi Olivier Assayas, Luc Moullet, Danièle Dubroux (extraits rarissimes et savoureux de son premier court Les deux élèves préférés du professeur Francine Brouda), Philippe Leguay, Christian Vincent, Tony Gatlif ou Abderrahmane Sissako. A la fin Perrin cède la caméra à Joseph Morder pour parler des étapes (vocation, parcours, territoire) de son propre cheminement .
– Dominique Laffin, portrait d’une enfant pas sage (2007) est un émouvant portrait de l’actrice disparue en juin 1985, avant même la sortie de Passage secret.

Image

Les copies des trois long-métrages sont vraiment très belles et permettent d’apprécier pleinement l’admirable travail sur les couleurs accompli par Dominique Le Rigoleur (les bleus-verts de Passage secret ; Buisson ardent) et Olivier Guéneau (Trente ans). Le report numérique, très soigné, garantit une netteté et une stabilité quasi irréprochables. Les courts-métrages sont un peu plus abimés mais la qualité reste tout à fait acceptable.

Son

L’ambiance nocturne de Passage secret, captée par Pierre Donnadieu, est particulièrement prenante, et le DVD la restitue parfaitement. On signalera aussi les interventions discrètes et bienvenues de la musique de Jean Claude Nachon. Les deux autres films bénéficient quant à eux des fascinants accords composés par le grand Jorge Arriagada. Dans tous les cas la bande sonore est d’une parfaite clarté et parvient à communiquer une remarquable sensation de profondeur spatiale.
Coffret Perrin