Mystères en plein jour
Le 11 mars 2011
Les trois premiers films d’Adolfo Arrieta nous invitent à une déambulation étrange et merveilleuse entre le rêve et l’éveil.
- Réalisateur : Adolfo Arrieta (Ado Arrietta)
- Acteurs : Jean Marais, Adolfo Arrieta, Xavier Grandes, Michèle Moretti, Florence Delay
- Genre : Fantastique, Expérimental
- Nationalité : Espagnol, Français
- Editeur vidéo : RE:VOIR
- Plus d'informations : http://revoirvideo.blogspot.com/201...
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– Durée El crimen de la pirindola - Le crime de la toupie : 18 mn
– Durée Imitaciòn del ángel - Imitation de l’ange : 21 mn
– Durée Le jouet criminel : 37 mn
Les trois premiers films d’Adolfo Arrieta nous invitent à une déambulation étrange et merveilleuse entre le rêve et l’éveil.
L’argument :
– Un enfant, inlassablement, surveille la danse d’une toupie...
– Dans Imitation de l’ange, le garçon, German Portillo, essaie d’imiter un ange... C’est une méditation sur l’angélisme que je ne peux pas raconter.
(Adolfo Arrieta - Conversation avec Philippe Azoury, juillet 2009)
– Un jour on se promenait dans Malakoff. Ce quartier ressemblait un peu aux ruines dans Orphée de Cocteau. (...) Soudain jean s’est arrêté, il a regardé au sol une flaque qui brillait comme un miroir et qui contenait deux gants en caoutchouc blanc, comme les gants de la Mort d’Orphée. Jean n’a rien dit, et moi non plus, mais il me semble qu’on a eu le même sentiment. J’ai senti qu’on était en train de faire un remake d’Orphée. (Adolfo Arrieta - Conversation avec Philippe Azoury, juillet 2009)
Notre avis : Revendiquant le statut d’amateur, Adolfo Arrieta (ou Arrietta) est totalement étranger aux notions de plan de carrière et de notoriété et son oeuvre, qui comporte à ce jour une douzaine de titres, a toujours eu une visibilité très réduite. Mais elle eut aussi depuis le début d’ardents défenseurs (Fieschi, Biette, Daney) et émerge très régulièrement de l’oubli où elle paraît s’effacer un moment : rétrospective au Festival Entrevues de Belfort en décembre 2009, diffusion télé dans le cadre de Fuori orario sur Rai Tre, spectacle à Beaubourg, quarante pages de dossier dans la revue Vertigo, premier volume d’une édition DVD chez Re:voir.
Les trois premiers films d’Adolfo Arrietta ont été réunis sous le titre La trilogía del ángel. Ils sont effectivement traversés par la figure d’un ange aux ailes découpées dans du carton qui peut surgir inopinément dans les rues de Madrid (El crimen de la pirindola - Le crime de la toupie et Imitaciòn del ángel) ou dans un appartement parisien (Le jouet criminel).
Dans Imitaciòn c’est au départ un simple déguisement enfantin, mais il apparaît très vite que c’est bien plus que cela. Ailleurs c’est un intrus dont on ne sait trop se dépêtrer et dont les desseins (mais en a-t-il vraiment ?) restent mystérieux. Ses pouvoirs sont limités : il suffit de lui arracher le drap blanc dont il s’enveloppe pour qu’il ne puisse plus sortir d’un placard.
Car c’est dans un univers régi par les règles impénétrables et souvent cocasses d’un jeu de l’oie étrange que nous entraînent ces trois films qui allient la précision du rébus au caractère flottant du rêve en plein jour (on pense au Vampyr de Dreyer).
De sombres machinations semblent se tramer sous les apparences les plus banales et quotidiennes, les rares dialogues sont lourds d’un sens qui reste énigmatique, les trucages bricolés (ralentis, déroulement inversé de l’image) ont la magie immédiate de ceux de Méliès et de Cocteau, des plans volés dans les rues gardent un caractère documentaire sans qu’on perçoive la moindre solution de continuité.
Le hasard des surréalistes est ici à l’oeuvre mais c’est avant tout l’influence de Cocteau qui est sensible partout. Un extrait du Testament d’Orphée passe d’ailleurs à la télé dans une scène de Imitaciòn del ángel et Jean Marais en personne vient hanter Jouet criminel de sa présence de sphinx.
Le charme fragile de ces films tient aussi à leur statut indécidable. D’un cinéma expérimental ignorant tout intellectualisme, ils gardent l’émerveillement toujours neuf devant l’outil cinéma mais ils sont aussi parcourus par les échos du film de genre : policier, sérial, fantastique, mélodrame familial affleurent par bribes fantomatiques. Rivette n’est pas loin.
Célébrant les vertus du désoeuvrement, fondant sa poésie aussi sur ses baisses de tension et son caractère erratique, l’oeuvre d’Arrieta refuse l’idée même de maîtrise et demande à son spectateur de s’abandonner à une déambulation somnambulique dans un entre-deux étrange et merveilleux.
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Le DVD
C’est auprès de l’éditeur Re:voir et dans certaines boutiques spécialisées qu’on pourra se procurer le DVD consacré aux premiers films d’Arrieta, disponible depuis décembre 2010.
Les suppléments
Pas de suppléments sur le DVD mais un livret contenant un texte d’Erik Bullot intitulé L’ange et le baillon qui analyse brillamment le système à l’oeuvre dans les films d’Arrieta, insistant notamment sur le vertige de l’inachèvement qui s’y manifeste.
Image
Il ne faut évidemment pas s’attendre à de la haute définition pour ces films tournés en 16mm qui intègrent sans peine les accidents techniques dans leur système esthétique. Mais leur noir et blanc lumineux et contrasté (plus un plan de ciel bleu en couleur dans Le jouet criminel) est parfaitement rendu ici et la compression est irréprochable.
Son
Là aussi les limites techniques sont un élément contitutif de l’esthétique de ces films : le son mono légèrement saturé donne aux musiques (Scarlatti, Haendel, Mahler, Wagner, Messiaen) et aux voix un surcroit d’étrangeté.
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