Un morceau de ton rêve... (Entretien avec Philippe Azoury)

Un merveilleux livre d’entretien pour s’aventurer dans l’univers magique d’Adolpho Arrietta.

L’argument : Moins connu que Jean Eustache, Philippe Garrel ou Marguerite Duras, dont il fut l’ami, Adolpho Arrietta est pourtant l’un des grands cinéastes underground des années 1970-1980.
L’univers de ce magicien du cinéma, digne héritier de Jean Cocteau, va de Madrid à Paris, mais aussi de Jean Marais à Enrique Vila-Matas, des Cahiers du cinéma aux Gasolines : toute une histoire légendaire, à la fois glamour et fauchée, qui revit ici avec brio.
Le livre est constitué d’un long entretien réalisé en juillet 2009 à Madrid par Philippe Azoury. Durant trois jours, leur dialogue a creusé la fabrication de Flammes (1978). Ensemble, Azoury et Arrietta évoquent les autres films du cinéaste mais surtout tout un monde, une conception poétique, libre, frondeuse de faire du cinéma comme on vit. De la théorie à la pratique, d’une époque à une autre, cet ouvrage permet au lecteur de se plonger dans le cinéma et la culture de la fin des années 1970.

Notre avis : Adopho Arrietta, qui s’amuse à changer sans cesse l’orthographe de son nom, est un cinéaste secret, à la notoriété comme en pointillé, dont l’oeuvre faite, selon Lotte Eisner, avec la matière du rêve et justement qualifié par jean-Claude Biette de phénixo-logique semble régulièrement tomber dans l’oubli pour reparaître à l’improviste et nous surprendre encore de sa beauté bricolée.
Un long entretien réalisé dans la chaleur de l’été madrilène entre le 23 et le 26 juillet 2009 constitue, précédé d’une admirable introduction de Philippe Azoury, la matière d’un passionnant petit livre d’à peine 130 pages que publient les éditions capricci en attendant une nouvelle reprise en salles, annoncée pour le premier semestre 2013, de Flammes (1978, ressorti en 1995).
L’évocation du tournage de cet énigmatique conte fétichiste et candidement pervers sert de film rouge au récit enchanté et enchanteur de l’aventure cinématographique singulière d’un authentique poète-artisan, émule de Cocteau, qui refuse les règles admises pour n’obéir qu’à l’implacable logique du hasard et à la question Comment fabrique-t-on un film sans inquiétude ? répond : En jouant. En tournant tout sous la forme d’un jeu d’enfant. (p. 112).

A. Arrietta : Flammes (1978)

L’entretien fait bien percevoir à quel point sa feinte désinvolture, aisément prise pour de l’amateurisme, est la légèreté revendiquée (presque militante même) d’un perfectionniste qui pratique un cinéma vraiment artisanal et peut dire au sujet d’un raccord surprenant (et imparable) : Donc si j’ai envie de ce cadre, parce qu’il est beau et surtout parce qu’il est logique, peu m’importe s’il brise l’harmonie et les règles qui règnent dans l’éclairage cinématographique. Je le fais. … C’est ma fierté d’autodidacte.

Adolpho Arrietta : Un morceau de ton rêve (Editions capricci)

Reprenant à son compte les mots de Cocteau (Je suis comme un ébéniste. Je fais des tables. A vous de les faire tourner.) il se refuse à interpréter la dimension magique et mystérieuse de ses films mais parle volontiers de musique (Faire compter les temps de silence aux acteurs, de façon précise, c’est quelque chose que j’ai toujours fait.) et de lumière : L’ombre est essentielle. C’est une matière avec laquelle on a perdu l’habitude de faire des films. Avec le celluloïd, il fallait inventer l’ombre, la créer de toutes pièces.
Bref, voici une introduction idéale (ou un prolongement) à cet univers étrange peuplé d’anges (parfois travestis) où règne un innocent artifice que le réel se plaît à imiter.
Rappelons que Re:voir a édité en 2011 un indispensable DVD consacré aux trois premier films du cinéaste : Trilogie de l’ange.