Le 23 septembre 2019
Si l’écriture poétique et imagée d’Hubert Mingarelli ne laisse pas de marbre, le récit semble rapidement tourner en rond...


- Editeur : Buchet-Chastel
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Prix : Prix Goncourt 2019
- Date de sortie : 15 août 2019
- Plus d'informations : Le site officiel
- Festival : Rentrée littéraire 2019

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Résumé : En 1945, dans une ville d’Allemagne occupée par les alliés, un photographe de guerre anglais qui a suivi la défaite allemande ne parvient pas à rentrer chez lui en Angleterre. Il est sans mot devant les images de la libération d’un camp de concentration à laquelle il a assisté. Il est logé dans le même hôtel que le colonel qui commandait le régiment qui a libéré le camp. Ayant vu les mêmes choses qui les ont marqués, ils sont devenus des sortes d’amis. Un soir, le photographe expose son idée de partir à travers l’Allemagne pour photographier les gens devant leur maison. Il espère ainsi peut-être découvrir qui sont ceux qui ont permis l’existence de ces camps. Le colonel met à sa disposition une voiture et un chauffeur de son régiment. C’est un très jeune soldat qui vient d’arriver et qui n’a rien vu de la guerre. Le photographe et son jeune chauffeur partent au hasard sur les routes. Le premier est hanté par ce qu’il a vu, et le second est hanté par des évènements plus intimes survenus chez lui en Angleterre. Le roman est ce voyage.
Notre avis : Ce court roman nous est raconté par un photographe, marqué à jamais par la libération des camps, en Allemagne nazie – tellement marqué qu’il refuse même de rentrer, ne se voit pas retourner chez lui, en Angleterre, alors que le pays où il se trouve est dans un tel état. Son supérieur, de qui il est devenu proche, accepte donc de le laisser parcourir les routes, sillonner les villages à la rencontre des gens ordinaires dont il veut capturer l’image et le souvenir. Pour le conduire, est choisi un jeune soldat anglais, O’Leary, qui n’a pas eu l’occasion de prouver sa gageure au combat et ne se sent donc à sa place nulle part, sauf dans les dunes de Lowesoft d’où il vient.
La démarche du narrateur semble rapidement vaine, le lecteur ne voit pas où il veut aller, et surtout où tout cela va mener. Peu sympathique, il se montre souvent autoritaire avec le jeune premier qui l’accompagne alors que ce dernier, sa timidité et son sempiternel besoin de justifier sa présence sont touchants. La terre invisible cultive une part de mystère, nous emportant dans ces campagnes des années 1940, au gré des pérégrinations des deux protagonistes, portés par l’inspiration soudaine (mais néanmoins dictatoriale) du narrateur. Des femmes, le lecteur ne verra qu’une silhouette qui hante le héros – surtout une voix d’ailleurs, et l’ombre de quelques mères de famille qu’il convainc de se laisser prendre en photo. Les relations, entre tension et respect, qu’entretiennent le meneur et son suiveur ne seront pas sans rappeler les liens père-fils que l’auteur aime à explorer dans son œuvre.
Si La terre invisible doit être lu, c’est davantage pour la plume d’Hubert Mingarelli que pour le récit en lui-même, certes subtil et fin mais loin d’être captivant. Très « photographique », comme l’a si justement dit Emmanuel Donny, photographe lui-même, ce livre joue sur les couleurs et les reflets, s’attarde sur la lumière, tous ces détails étant captés par les yeux exercés du héros : on retrouvera d’ailleurs là une trace du passé de dessinateur de celui qui est devenu écrivain. La grande majorité des phrases sont courtes et les plus simples possibles, épurées, mais cela n’empêche pas le style d’être métaphorique à bien des égards – raison pour laquelle, sans doute, ce roman fait partie de la première sélection du Prix Goncourt 2019.
Avis aux esprits rêveurs qui ne cherchent pas aveuglément de l’action…
Hubert Mingarelli - La terre invisible
Éditions Buchet Chastel
192 pages
11,5 x 19,0 cm