La règle du jeu - Le test blu-ray

Le chef d’oeuvre inépuisable de Renoir ressort dans une admirable édition blu-ray.

L’argument : L’aviateur André Jurieux vient de traverser l’Atlantique en solitaire dans l’espoir de conquérir le cœur de Christine, son amour éternel, qui a épousé le Marquis de la Cheyniest, un aristocrate parisien. Celle-ci se montre indifférente à l’exploit et Jurieux tente de se suicider. Son ami Octave le fait alors inviter chez Christine et son riche époux, pour une partie de chasse en Sologne dans leur propriété de La Colinière.

Notre avis : Que dire encore sur le film des films, cette tragédie qui emprunte la voie du burlesque (et de la commedia dell’arte) et dont la complexité extrême (huit personnages principaux à peu près à égalité, sophistication des mouvements d’appareils et chorégraphie millimétrée des déplacements) débouche sur une merveilleuse sensation d’évidence et de quasi improvisation.

Cruelle et légère, furieusement théâtrale et implacablement documentaire, irrésistiblement drôle (tout le rôle de Carette bien sûr, mais aussi Renoir et Dalio faisant des grimaces en arrière plan de la scène où Christine présente Jurieux aux invités) et soudain bouleversante (Renoir-Octave sur la terrasse, le regard de Nora Gregor), cette joyeuse danse macabre sur le volcan de l’année 1939 connut une genèse mouvementée : achevé dans l’urgence après des retards et dépassements de budgets, le film, très attendu, fut plus ou moins sabordé par Renoir lui-même (la sortie fut moins catastrophique pourtant que le voudra la légende) avant d’enchanter des générations de cinéphiles à partir de sa réédition de 1959 en version intégrale.
Truffaut disait en sortant une énième fois de La règle du jeu qu’il souhaitait le revoir le lendemain pour vérifier si c’était toujours le même film. C’est vrai : chaque nouvelle vision de ce chef-d’oeuvre inépuisable en dévoile des facettes insoupçonnées.

– Lire l’article d’Edgar Hourrière.

Le blu-ray
Les éditions Montparnasse sortent le 15 septembre 2011 une édition blu-ray superlative de ce film qu’on ne finit pas de redécouvrir.

Les suppléments

Ce sont en grande partie les mêmes que ceux de la précédente édition DVD. On ne s’en plaindra pas : ils sont tous passionnants. Au menu :
– Une introduction, succincte mais savoureuse, par l’auteur lui-même, filmé à l’occasion d’une diffusion télé de 1966.
– Réalisée par NT Binh, un entretien avec Olivier Churchod, fin connaisseur de l’oeuvre qui raconte l’histoire mouvementée du film et rectifie un certain nombre de légendes sur sa réception.
– Un commentaire audio toujours éclairant (également par Olivier Churchod) signalant notamment les scènes réintroduites dans la version de 1959 mais que Renoir avait au départ écartées du montage et dont l’absence devait effectivement rendre le film peu compréhensible.
– Un documentaire de la série Un film et son époque : Il était une fois... (Serge July, Anne Kunvari et Marie Génin) qui vaut avant tout par ses témoignages (dont celui de Paulette Dubost) et ses documents d’archive mais qui est desservi par un commentaire un peu trop sensationnaliste et n’évitant pas les affirmations douteuses à l’emporte-pièce.
– Une série d’entretiens croisés intitulée Ma Règle du jeu permettant à Claude Chabrol, Noémie Lvovsky et d’autres de parler de leur rapport intime et privilégié avec le film de Renoir.
– La brillante analyse Image par Image de 42 min sur un texte de Jean Douchet réalisée en 1989 par Pierre-Oscar Levy.
– Une bande-annonce originale de 1939.
– Mais la pièce maîtresse de ces compléments reste bien entendu le long extrait (49 min) du troisième volet, La Règle et l’exception, de l’émission réalisée par Jaques Rivette en 1966 pour la série Cinéastes de notre temps et intitulée Jean Renoir, le patron. Les retrouvailles de Renoir (Octave) et de Dalio (La cheyniest, et non pas La Chesnaye comme on lit partout !) sur les marches de la terrasse du château de La Ferté Saint-Aubin (alias La Colinière) sont un moment d’émotion inoubliable.

Image

Les précédentes restaurations étaient déjà remarquables mais là on ne peut qu’être ébloui par l’étonnante plasticité de la photo qui donne tout son impact au formidable travail effectué par Renoir (et le chef opérateur Bachelet) sur la profondeur de champ. Certes, la définition reste parfois légèrement floue sur une partie de l’image et les blancs sont par moments un peu aveuglants. Mais les contrastes sont bien gérés et le résultat tient du miracle si l’on considère que le négatif original a disparu.

Son

On peut évidemment s’interroger sur l’opportunité d’une piste stéréo 5.1 pour un film tourné en mono. Il nous semble que ce choix est pertinent ici, le travail sur la profondeur de champ appelant un travail équivalent sur le son. Les effets gratuits de stéréophonie sont heureusement évités et le résultat nous semble parfaitement convaincant. On peut aussi, bien sûr, choisir d’en rester à la mono frontale 2.0.