C’est moi le sadique !
Le 26 mai 2015
Implacable et déroutant, un réquistoire contre la peine de mort et contre toute forme de discours prédéterminé qui n’a rien perdu de son urgence salutaire.
- Réalisateur : Paul Vecchiali
- Acteurs : Gérard Blain, Jean-Christophe Bouvet, Hélène Surgère, Jean-Claude Biette, Sonia Saviange, Jean-Claude Guiguet, Marcel Gassouk, Liza Braconnier , Michel Delahaye, Paulette Bouvet, Monique Mélinand, Philippe Chemin, Frédéric Norbert, Danièle Gain, Marie-Claude Treilhou, Cécile Clairval
- Genre : Drame
- Durée : 1h36mn
- Date de sortie : 17 septembre 1977
- Plus d'informations : http://latraverse.tictail.com/produ...
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– Tournage : du 22 janvier au 16 mars 1977
Implacable et déroutant, un réquistoire contre la peine de mort et contre toute forme de discours prédéterminé qui n’a rien perdu de son urgence salutaire.
L’argument : Pierre Lentier, ouvrier d’usine, assassine une fillette, se laisse arrêter, subit interrogatoires, enquêtes et contre-enquêtes, est condamné à mort et exécuté.
La machine du titre, c’est bien sûr la guillotine (toujours en exercice à l’époque où Vecchiali réalise le film), mais c’est aussi la machine sociale qui broye, la machine médiatique qui s’emballe... Et le film est autant un réquisitoire contre la peine de mort qu’une réflexion toujours d’actualité, près de quarante ans après, sur la société, ses ressorts, ses aveuglements. (Texte de présentation - DVD / La Traverse)
Notre avis : Nul ne saurait mieux décrire le propos de La machine que Vecchiali ne le faisait lui-même dans la note d’intention à valeur de manifeste présentée comme scénario et dont de larges extraits sont reproduits dans le livre accompagnant l’édition DVD du film publiée par La Traverse. On peut y lire ainsi que pour inviter à une réflexion sur la peine de mort, telle qu’elle est appliquée de nos jours en France tout avait été mis en œuvre pour aborder un sujet aussi grave avec rigueur et honnêteté et qu’il n’était pas question d’apitoyer le spectateur en lui présentant la victime d’une erreur judiciaire.
- Sonia Saviange dans La machine - Paul Vecchiali / Diagonale 1977 - ©Guilor - La Traverse 2015
N’écrivant pas de dialogues au préalable, à quelques exceptions près, mais installant un cadre, une structure à l’intérieur de laquelle il laissait aux acteurs la possibilité de construire seuls leur personnage et d’improviser, Vecchiali entendait échapper au risque de privilégier tel ou tel discours et … enregistrer une fiction « désinteressée » ; en tout cas où les intérêts soient suffisamment multiples pour que leur résultante ne soir pas prédéterminée.
Le résultat est un film qui ne laisse rien indemne, un réquisitoire implacable démasquant ceux qui disent être contre la peine de mort sauf, mais en échappant à tout didactisme, au sentimentalisme facile comme au cynisme (pas question en effet de renvoyer tout le monde dos à dos).
Sachant laisser place à cette multiplication des discours (notamment celui, terrifiant, des médias : gros titres de journaux ou écrans télé occupant les trois quarts du cadre) tout en affirmant fermenent sa présence de cinéaste (la chorégraphie périlleuse du plan séquence chanté dans le café), Vecchiali accompagne surtout jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’à l’exécution qui n’est pas escamotée (c’est ce qui la rend inacceptable) un Jean-Christophe Bouvet totalement imprévisible et réalise, pour reprendre les termes de Louis Skoreki, un documentaire très fassbinderien sur le plus grand acteur du monde, Une sorte d’anti M le maudit qui serait plus langien que le film de Lang.*
- La machine - Paul Vecchiali / Diagonale 1977 - © Guilor - La Traverse 2015
Ce film qui fait peur (Vechiali dixit) mais qui ne cherche jamais à en imposer à son spectateur ou à le matraquer, tient à distance, par son humour singulier, toute tentation de dérision et dénonce toute forme de complaisance (celle de ceux qu’identifiait Skoreki dans l’article cité : les chansonniers pétainistes de l’ombre, les Jérôme Larcin du supplément d’âme, les Marianne Bénichou de la politique du pire). Il est très ancré dans son époque, les années 70 qu’il documente avec précision, mais il n’a rien perdu de son actualité, de son urgence salutaire.
Le DVD
- La machine - Paul Vecchiali 1977 - DVD La Traverse
Une édition DVD exemplaire sous forme de livre-DVD pour un film devenu rare et qu’il était urgent de rendre à nouveau visible.
Les compléments sont nombreux et passionnants, comme dans les autres volumes de la série (Les ruses du diable ; C’est la vie ; Change pas de main).
– Le récit de Rebecca, court-métrage de 33 minutes réalisé en 1963, est inspiré d’un épisode du Manuscrit trouvé à Saragosse de Jan Potocki. Occupant une place totalement à part dans une filmographie pourtant très variée, le film ressort à la fois du genre fantastique et du cinéma expérimental, travaillant sur la couleur, la superposition des espaces-temps et la répétition. Un essai sans doute inabouti mais très intriguant qui fait penser par moments à Cocteau ou Kenneth Anger (les Gémeaux interprétés par deux danseurs) et dont le rôle central est interprété par Marika Green, ex-modèle bressonnien dans Pickpocket.
- Le récit de Rebecca - Paul Vecchiali 1963 © Dialektik
- Le récit de Rebecca - Paul Vecchiali 1963 © Dialektik
– Plusieurs entretiens apportent des éclairages précieux sur le film, l’aventure de Diagonale et l’oeuvre du cinéaste. On signalera notamment les interventions de Vecchiali lui même (La Machine fait peur) et de Jean-Christophe Bouvet (Face à la machine).
La note d’intention du cinéaste fait apparaître mieux que tous les commentaire la singularité du projet de La machine. Des extraits de ce texte essentiel sont reproduits dans le livre de 48 pages où on trouvera aussi la retranscription de certains dialogues, le texte de la chanson Moi la chanson, des extraits de presse (Gérard Frot-Coutaz, Jacques Siclier, Louis Skorecki), une filmographie de Paul Vecchiali ainsi que de nombreux photogrammes du film et des photographies du tournage.
Image
La restauration effectuée par Avidia n’a pas cherché à effacer de manière trop radicale les traces du temps et conserve à La machine son côté rugueux, brut, peu aimable, réfractaire à la séduction immédiate. Le report a néanmoins été effectué avec soin et permet de voir le film dans des conditions tout à fait acceptables.
Pour le court métrage Le récit de Rebecca on remarquera une tendance à la saturation des couleurs (le rouge surtout) qui n’est pas en contradiction avec le côté expérimental de ce film à part dans la filmographie de Vecchiali.
Son
La aussi, on n’a pas tenté à tout prix de nettoyer, et donc d’aseptiser une bande son qui accueille aussi bien des enregistrements au magnétophone, des chansons interprétées en direct, des bruits accidentels qui ne parasitent nullement l’écoute mais contribuent à la complexité et à la richesse de l’univers sonore du film.
* Texte paru dans Libération en 2002 et cité dans le livre accompagnant le DVD édité par La Traverse (2015)
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