Critique

CINÉMA

La charrette fantôme - Julien Duvivier - critique

Le fantastique social

Le 17 décembre 2023

Cette rareté du cinéma français, remake d’un classique de Victor Sjöström, fut longtemps occultée des histoires du septième art. Le film mérite une redécouverte.

  • jcmlr 19 février 2019
    La charrette fantôme - Julien Duvivier - critique

    je découvre ce film : c’est la stupéfaction, l’évidence du chef d’oeuvre méconnu à son époque, qui attend désormais son heure. Il se peut néanmoins qu’un véritable cinéphile objectera que ce remake n’est rien en comparaison de l’original, tourné 20 ans auparavant par un réalisateur suédois dont bergman aime rappeler à quel point il l’inspira.
    Cette oeuvre n’est pas un film, c’est beaucoup plus , son ambition est demesurée, et son désespoir cynique, son incapacité à entrevoir une solution claire à l’infinie complexité , se traduit par une impression d’inachevé , d’imperfection. Autant de portes ouvertes au questionnement, à la diversité des commentaires sur l’oeuvre, aux interrogations multiples propres aux grandes oeuvres.
    Le film a déplu à la critique à sa sortie. La fin du christianisme bat son plein. L’hypocrisie de l’Eglise , de la bourgeoisie, voilà des thèmes porteurs à l’époque. Une seule barre déplacée du vertical à l’horizontal nous fait passer de l’emblème de l’Armée du salut à celui du Dollar. Louis Jouvet triomphant en constatant que le travail n’a jamais payé , pendant qu’il compte les billets que lui a donnés en tremblant une riche vieille dame "sollicitée" énergiquement pour sa bienveillance. Remue-ménage à vertu pédagogique pour la classe dominante rentière. Beaucoup d’autres détails et d’autres idées bien senties sur l’injustice sociale ou le double discours de la morale chrétienne sont parsemés dans les scènes successives . Mais , avec le Front Populaire dans le rétro il y a peu de mois, Hitler soupe à nos portes. Le film est sans excuse pour la canaille et se termine par un hymne non équivoque à la rédemption et un hommage à toutes les thérèse de Lisieux qui sommeillent chez les bonnes de curé. Conclusion déplaisante à un critique de cinéma élevé dans les espérances de l’entre-deux guerres.
    Le mysticisme moral fait face à l’esprit éclairé de la révolte, et c’est la religion qui gagne, en toute logique, quand le remède se révèle pire que le mal.
    Le choix du vainqueur n’était pas dans l’ère du temps, mais l’oeuvre est intemporelle et hors du temps : elle restera.

    Ce remake ne fut pas le dernier, il y a donc bien une "matière" forte, combien de peintres ou de sculpteurs ont-ils fait de piétas ? Le cinéma ici s’y est essayé. Il attend son Michel-Ange mais il a déjà des précurseurs. Un éclairage neuf réveille l’actualité du film quand le révolte à prétention sociale débouche sur l’abominable .

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