La nuit du nouvel an
Le 17 décembre 2023
Malgré quelques aspects un peu désuets ce chef-d’œuvre de la grande époque du cinéma suédois est tout à fait digne de sa flatteuse réputation et impressionne toujours.
- Réalisateur : Victor Sjöström
- Acteurs : Victor Sjöström, Hilda Borgström , Tore Svennberg, Astrid Holm , Concordia Selander
- Genre : Drame, Fantastique, Film muet, Noir et blanc, Drame fantastique
- Nationalité : Suédois
- Durée : 1h46mn
- Titre original : Körkarlen
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– Tournage du 18 mai à fin juillet 1920
– Sortie en Suède : 1er janvier 1921
Résumé : Dans un cimetière, trois vagabonds fêtent la Saint-Sylvestre. L’un d’eux raconte que chaque 31 décembre, au douzième coup de minuit, le dernier pécheur qui trépasse devient le nouveau "cocher de la mort"...
Critique : Abordant tous deux la mise en scène cinématographique en 1912, Victor Sjöström et son cadet Mauritz Stiller ont, jusqu’à leur départ pour Hollywood, largement contribué à faire de la Suède un des pays phares du cinéma mondial avec des chefs-d’œuvre tels que Les proscrits - Berg-Ejvind och hans hustru (Sjöström 1917), Le trésor d’Arne ou La légende de Gösta Berling (Stiller 1919 et 1924), ces deux derniers adaptés de récits de Selma Lagerlöf, prix Nobel de littérature en 1909.
La grande romancière a également fourni à Sjöström la trame de plusieurs films sublimes tels que Tösen från stormyrtorpet - la fille de la tourbière (1917) ou le diptyque Ingmarssönerna - la voix des ancêtres (1919) et Karin Ingmarsdotter - la montre brisée (1920). Mais c’est Körkarlen - la charrette fantôme, tourné à grands frais dans les tous nouveaux studios Råsunda entre le 18 mai et fin juillet 1920, et basé lui aussi sur un court roman de Lagerlöf publié en 1912, qui impressionna le plus les contemporains par sa puissance visuelle et ses prouesses techniques. Le film connut une large distribution internationale et occupe une place de choix dans la plupart des histoires du cinéma.
Vus aujourd’hui, force est de constater que, contrairement à ceux de Stiller, certains des films de Sjöström ont quelque peu vieilli et peuvent agacer le spectateur moderne par un côté moralisateur souvent très prononcé voire une certaine grandiloquence illustrative (Tierje Vigen surtout). L’argument de Körkarlen, qui dépeint les méfaits de l’alcoolisme, fait évidemment craindre le pire et bien des aspects du film sont indiscutablement datés. Mais cette histoire exemplaire de rédemption n’a rien de sulpicien et toute mièvrerie en est absente, balayée par la violence d’un naturalisme exacerbé et l’intensité du jeu d’acteurs comme en état de transe.
Sjöström lui-même est, en David Holm, un bloc de force brute qu’on sent pourtant vulnérable. La Danoise Astrid Holm fait de sœur Edith, la salutiste qui sacrifie sa vie pour le pécheur (elle attrape la tuberculose à son contact), une figure de sainte transfigurée par une extase tant mystique qu’amoureuse. Hilda Borgstöm, en épouse endurant toutes les souffrances sans (presque) protester, renouvelle la performance inoubliable qu’elle avait livrée dans Ingeborg Holm (Sjöström 1913).
Mais l’impact persistant du film est dû aussi à un sens affirmé de la composition visuelle (la charrette minuscule avançant devant le ciel nocturne en haut d’une lande dénudée), au magnifique travail du chef opérateur Julius Jeanson (qu’il ne faut pas confondre avec son frère Henrik) et à de superbes effets spéciaux obtenus au cours d’un long travail de laboratoire (Mästerman, tourné après, sortit avant). Ces trucages, témoignant d’une véritable maîtrise technique, enchantent toujours autant par leur merveilleuse poésie artisanale.
En dépit de quelques aspects désuets, la vision de Körkarlen reste pour le spectateur une expérience extrêmement stimulante et jubilatoire. L’œuvre a indubitablement influencé Bergman qui l’a toujours placé au sommet de son panthéon personnel et fait appel à Sjöström acteur dans deux de ses propres films (Vers la joie et Les fraises sauvages).
Signalons que Julien Duvivier tourna en 1939 un curieux remake qui, pour le coup, a beaucoup moins bien vieilli que l’original.
Notes : Parmi les diverses éditions DVD de ce classique il faut privilégier celle de la cinémathèque suédoise (série Svenska stumfilmkassiker avec sous-titres français en option et de remarquables compléments de programme). Mais celle d’Arte (Der Fuhrmann des Todes / Der Todeskuss, plus courte (1h30mn) comporte aussi le très beau, bien qu’incomplet, Dödkyssen - l’étrange aventure de l’ingénieur Lebel (1916).
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