La mer est ouverte
Le 13 octobre 2011
Un saisissant drame nordique aux frontières du surnaturel. Un des sommets de l’art cinématographique.
- Réalisateur : Mauritz Stiller
- Acteurs : Mary Johnson, Richard Lund, Wanda Rothgardt, Concordia Selander, Hjalmar Selander
- Genre : Drame, Film muet
- Nationalité : Suédois
- Durée : 1h47mn
- Titre original : Herr Arnes pengar
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Un saisissant drame nordique aux frontières du surnaturel. Un des sommets de l’art cinématographique.
L’argument : En 1574, les armées de mercenaires écossais rebelles sont révoquées par le roi de Suède. Leurs chefs sont emprisonnés, mais trois d’entre eux parviennent à s’échapper. Pendant leur fuite les trois hommes, ivres, s’introduisent dans la ferme isolée de messire Arne et font main basse sur son trésor avant d’assassiner tous les témoins de leur méfait, à l’exception d’une jeune fille, Elsalill. Ils se réfugient dans le petit port de Marstrand, où ils espèrent trouver un bateau pour l’Écosse. Les navires sont bloqués par les glaces. Elsalill tombe amoureuse du beau sir Archie avant de découvrir qui il est réellement. Après avoir longuement hésité elle le dénonce . Sir Archie essaie alors de s’enfuir en se servant d’elle comme d’un bouclier. La jeune fille est transpercée de coups de lance. Les femmes de Marstrand transportent le corps d’Elsalill dans une longue procession sur la mer gelée.
- Herr Arnes pengar (Stiller 1919)
Notre avis : Herr Arnes pengar se situe au point culminant de la carrière brève (1912-1928) mais intense (environ 50 films) de Mauritz Stiller. L’argument est tiré d’une nouvelle de Selma Lagerlöf, prix Nobel de littérature, publiée en 1903, et centrée sur le terrible conflit moral d’Elsalill, fille adoptive du pasteur Arne et seule survivante du massacre de sa famille.
Doit-elle dénoncer l’homme qu’elle aime, l’assassin de sa demi-sœur ? Parfaite héroïne de tragédie, elle finira par sacrifier sa vie pour le perdre - c’est à dire le sauver. Le film traite ce conflit intérieur avec le sérieux nécessaire pour que le spectateur en saisisse toute la portée. L’interprétation de Mary Johnson fait d’Elsalill une des figures les plus bouleversantes et inoubliables qu’on ait vue sur un écran de cinéma.
- Herr Arnes pengar (Stiller 1919)
Cette figure est entourée de nombreuses autres. Toutes sont puissamment caractérisées et existent d’autant plus fortement à l’écran qu’elles sont ancrées dans un univers, celui de la suède du 16ème siècle, recréé grâce au travail admirable d’une équipe d’artisans hors pairs : costumes dont on sent le poids sur les corps, décors - intérieurs et rues construites sur les terrains des studios de la Svenska mais plus vrais que vrais dans leur austère beauté.
Et cette nature omniprésente qu’à aucun moment les personnages et le spectateur ne peuvent oublier : étendues enneigées, rochers du bord de mer, vent glacial.... .
Herr Arnes pengar (Stiller 1919) Une nature magnifiée par la photo de Julius Jaenson et le prodigieux sens pictural de Stiller. Chaque plan du film est saisissant. Certains marquent durablement la mémoire : le cortège des femmes en noir sur la mer gelée qui s’avance vers le bateau immobilisé par les glaces pour chercher la dépouille d’Elsalill. Mais à aucun moment l’image ne se fige pour devenir tableau. Cette émerveillement devant la beauté du monde est associé à un sens dramatique puissant.
Le langage cinématographique employé par Stiller est extrêmement articulé. Il y a d’abord un sens du cadre infaillible : les prisonniers évadés sur le toit enneigé en haut de l’image, la sentinelle en bas marchant de long en large et l’attente du moment où ils vont sauter...
La caméra, très mobile, est en empathie avec les mouvements des personnages qu’elle accompagne discrètement : Sir Archie avançant vers nous en diagonale, seul sur la neige devant un ciel au crépuscule, poursuivi par l’image de Berghild, sa victime, en surimpression, accélérant imperceptiblement le pas, la caméra accélérant elle aussi son mouvement latéral....
L’élément fantastique - ici le fantôme de Berghild - est très présent dans le film : la vieille épouse d’Arne entendant les couteaux qu’on aiguise à une lieue - impressionnant effet sonore dans ce film muet ; Elsalill menée en rêve par Berghild à l’auberge où elle surprendra la conversation des assassins. Mais le parcours rêvé n’est pas moins réel - malgré la surimpression - que celui qu’elle effectuera « en vrai » quelques plans plus loin..
Il n’y a pas en effet de distinction nette entre réel et surnaturel. Nous sommes dans un monde à la fois très concret et magique : les routes de la mer ne s’ouvriront que lorsque les assassins auront été arrêtés.
Le film parvient à faire exister ce monde grâce à la puissance visionnaire d’un cinéaste qui fut l’un des plus grands.
- Herr Arnes pengar (Stiller 1919)
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