Ganymède et Pygmalion
Le 5 mai 2013
Cette variation sur le thème de Pygmalion, étonnant film dans le film, est, avant celle de Dreyer, une adaptation du roman Mikaël d’Herman Bang.
- Réalisateur : Mauritz Stiller
- Acteurs : Lars Hanson, Nils Asther, Egil Eide, Lili Bech, Albin Lavén, Thure Holm
- Genre : Drame, Film muet
- Nationalité : Suédois
- Durée : 1h09mn ( 50mn pour la version incomplète subsistante)
- Titre original : Vingarne
- Plus d'informations : http://www.sfi.se/sv/svensk-filmdat...
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Cette variation sur le thème de Pygmalion, étonnant film dans le film, est, avant celle de Dreyer, une adaptation du roman Mikaël d’Herman Bang.
L’argument : Le réalisateur Mauritz Stiller décide de tourner un film à partir de la scuplture de Carl Milles Les ailes et du roman Mikaël de Herman Bang. Il cherche un jeune acteur débutant pour interpréter le rôle de Mikaël, le jeune peintre qui devient le modèle puis le protégé de l’illustre sculpteur Claude Zoret avant d’abandonner son mentor pour l’amour de la princesse Zamikov, une aventurière sans scrupules.
C’est Nils Asther qui est d’abord choisi. Mais les essais que celui-ci tourne avec ses partenaires Lili Bech et Egil Eide ne satisfont pas Stiller qui fait appel finalement au plus expérimenté Lars Hanson.
Lors de la première du film celui-ci, mécontent de sa prestation à l’écran, quitte la salle de projection à l’issue du premier acte. Le jeune Ashter quant à lui est scandalisé par la séquence finale au cours de laquelle Mikaël, bouleversé par la mort de Zoret, repousse la princesse et se libère de son emprise. Confondant l’actrice et le personnage qu’elle interprète, Ashter se rend au domicile de Lili Bech pour la consoler de l’affront subi. Celle-ci l’éconduit gentiment.
Notre avis : Qualifié par Klaus Mann de roman d’amour le plus triste de tous les temps, Mikaël (1904) de l’écrivain danois Herman Joachim Bang* (1857 – 1912), est une variation sur le thème de Pygmalion située dans le Paris artistique de la fin du XIXe siècle. Un peintre illustre y est trahi par son jeune protégé (élève, fils adoptif et probablement amant, bien que cela ne soit pas dit expressément).
- Lili Bech et Egil Eide dans Vingarne (Stiller 1916)
L’oeuvre a connu au moins deux adaptation cinématographiques notables dont la plus connue, et la plus aisément accessible (il en existe plusieurs éditions en DVD), est une opulente production allemande de 1923/24 réalisée par un Carl Theodor Dreyer déjà au sommet de son art et interprétée par Benjamin Christensen, Nora Gregor et Walter Slezak.
La version réalisée quelques années plus tôt en Suède par Mauritz Stiller est souvent citée comme un des premiers films abordant une thématique homosexuelle de manière certes implicite mais sans qu’aucune précaution ne soit sérieusement mise en oeuvre pour brouiller les pistes.
- Nils Ashter dans Vingarne (Stiller 1916)
Il est cependant probable que ce soit le caractère sulfureux du sujet qui ait amené le cinéaste et ses collaborateurs à faire de l’adaptation du roman de Bang un film dans le film, traité de manière légèrement parodique et inséré dans une action cadre, de caractère méta-cinématographique, malheureusement absente de la seule copie retrouvée et dont ne subsistent que des photogrammes utilisés en 1987 par les restaurateurs de la Cinémathèque Suédoise pour tenter de donner tant bien que mal une idée de l’oeuvre dans son intégralité.
Ce film cadre pseudo documentaire adoptait visiblement un ton léger de comédie qui contrastait fortement avec celui du film dans le film qui affiche, jusqu’à l’excès, son côté artificiel : poses affectées et crinière léonine d’Egil Eide tirant le rôle de Zoret, devenu ici sculpteur, vers une caricature de l’artiste avec un grand A tout en lui conférant une espèce de naïveté désarmée et touchante ; allures de diva de seconde zone, effrontément vulgaire, de Lili Bech en femme fatale de roman de gare. Le jeu au naturel très étudié d’un Lars Hanson de 30 ans (un peu âgé donc pour son rôle mais cela ne se voit pas trop) réussit à faire ressortir par opposition le côté brut, la jeunesse insolente et innocemment destructrice de Mikaël.
- Lars Hanson, Egil Eide et Lili Bech dans Vingarne (Stiller 1916)
Stiller, qui filme ici de manière assez sobre et frontale, sans les prouesses techniques et le lyrisme de ses films les plus célèbres (Sången om den eldröda blomman, Herr Arnes pengar, Gösta Berlings saga) ne force pas excessivement le trait parodique et traite finalement son sujet avec une retenue qui ne barre pas la route à l’émotion. Il accorde notamment une attention particulière à d’attachants personnages secondaires tels que le vieux valet fidèle (Thure Holm) qui lance à Mikaël plus d’un regard réprobateur ou à l’ami de longue date (Albin Lavén) qui assiste impuissant à la déchéance de Zoret.
Malgré le caractère incomplet de la version subsistante, ce film étonnant, qui semble bien être le plus ancien de son auteur qui nous soit parvenu (mais il en avait réalisé une bonne trentaine auparavant) dépasse largement l’intérêt strictement historique auquel on le limite trop souvent.
- Les ailes de Carl Milles à Göteborg
- Les ailes de Carl Milles à Stockholm
* Auteur également, entre autres, d’une Excentrisk Novelle (1890) adaptée à l’écran sous le titre Les quatre diables, par Robert Dinesen (Danemark 1913), A. W. Sandberg (Allemagne 1920, magnifique) , Murnau (U.S.A. 1928, perdu) puis Anders Refn (Danemark 1985).
Signalons par ailleurs qu’il ne faut pas confondre Lars Hanson, acteur de théâtre confirmé lorsqu’il tourne son premier film avec Stiller en 1915, avec Einar Hanson (né en 1899) que ce dernier révélera en 1922 dans Gunnar Hedes saga / Le vieux manoir et qui accompagnera son mentor à Hollywood où il fera une brillante carrière de jeune premier avant de mourir accidentellement en 1927.
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