Quatre femmes autour de Gösta
Le 22 juin 2010
Chant du cygne de la grande époque du cinéma suédois La légende de Gösta Berling est une oeuvre foisonnante à l’ample souffle romanesque qui révéla Greta Garbo.
- Réalisateur : Mauritz Stiller
- Acteurs : Greta Garbo, Lars Hanson, Jenny Hasselquist, Gerda Lundequist, Mona Mårtenson
- Genre : Drame, Historique, Film muet
- Nationalité : Suédois
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– Durée originale : 3h41mn (en deux parties).
– Durée actuelle : 3h03mn
– Titre original : Gösta Berlings saga
– Sortie en Suède : Mars 1924
Chant du cygne de la grande époque du cinéma suédois La légende de Gösta Berling est une oeuvre foisonnante à l’ample souffle romanesque qui révéla Greta Garbo.
L’argument : Vers 1820 dans le Värmland, l’ex-pasteur Gösta Berling, chassé de son presbytère pour ivrognerie, puis précepteur d’Ebba, une riche et pieuse héritière qui meurt peu après l’avoir rejeté en découvrant son passé, est sauvé du suicide par la Commandante d’Ekeby. Celle-ci lui révèle qu’elle est elle-même une morte vivante depuis qu’elle a levé la main sur sa propre mère et l’accueille dans les communs de sa propriété où elle héberge les « cavaliers », anciens soldats et viveurs a bout de ressources...
Notre avis : Tourné d’août 1923 à janvier 1924 avec des moyens de superproduction, Gösta Berlings saga est le dernier film suédois de Mauritz Stiller avant son départ pour Hollywood où s’était déjà transféré son grand rival et ami Victor Sjöström. Ce dernier avait réalisé plusieurs adaptations d’oeuvres de Selma Lagerlöf, prix Nobel de littérature en 1909, notamment le célèbre Körkarlen - La charrette fantôme, et l’auteur aurait souhaité que ce soit lui qui se charge de l’adaptation de son premier roman, publié en 1891.
En effet, l’année précédente, Stiller avait considérablement modifié l’intrigue et les personnages de la nouvelle En herrgårdssägen pour son film Gunnar Hedes saga. Elle autorisera néanmoins l’adaptation de Gösta Berlings saga mais le regrettera par la suite, reprochant notamment au réalisateur d’avoir inclus une scène de rixe dans une église, lorsque le jeune pasteur, soumis à un examen de bonne conduite, conquiert d’abord son assistance par un sermon des plus inspirés pour ensuite se la mettre violemment à dos en renvoyant aux notables de la petite ville l’accusation d’alcoolisme proférée à son égard.
Cette scène très animée (et drôle) est caractéristique du versant léger et humoristique de cette vaste fresque au romanesque échevelé qui voit le fougueux Lars Hanson (Gösta) croiser la route de nombreux personnages puissamment caractérisés, dont se détachent tout particulièrement plusieurs figures féminines inoubliables.
Il y a d’abord la Commandante, Margareta Samzelius née Celsing, vigoureusement campée par Gerda Lundequist. Ce personnage bigger than life, capable de précipiter un homme à terre d’un coup de coude, justifierait un film à elle toute seule. On la voit successivement : femme de tête à la beauté rayonnante qui mène tout son monde à la baguette ; puis, brisée dans son orgueil, tourner la meule dans la cabane de sa mère à l’agonie ; ensuite, mégère exaltée, incendier le domaine d’Ekeby pour en chasser les cavaliers qui le laissent dépérir ; enfin, vieille femme apaisée, céder Ekeby à un Gösta enfin remis sur le droit chemin.
Trois autres femmes auront croisé le chemin tortueux de l’instable et orgueilleux héros. A la pure et pieuse Ebba (Mona Mårtenson) succède l’orgueilleuse Marianne Sinclaire (Jenny Hasselquist), reniée par son père pour avoir embrassé Gösta sur un coup de tête, et défigurée par la petite vérole. Enfin la jeune Greta Garbo prête à l’impétueuse Elizabeth Dohna une sensualité épanouie et joyeuse qu’on ne retrouvera pas dans ses rôles ultérieurs.
Chacune de ces figures entraîne le film dans des directions différentes et complémentaires qui composent un ensemble extrêmement coloré et foisonnant. Tout ce qui a fait la richesse et la beauté du cinéma suédois de l’Age d’Or se retrouve ici comme pour une apothéose finale. La nature estivale du Wärmland est magnifiée avant de céder la place à d’ immenses paysages enneigés. Rappelant Le trésor d’Arne, une chevauchée en traineau éperdue sur un lac gelé pour échapper à une meute de loups est, avec l’incendie du manoir, un des grands morceaux de bravoure qui jalonnent ces trois heures ponctuées de rebondissements et de coups de théâtre, le sang chaud et l’alcool entraînant sans arrêt les personnages à des actions d’éclat dont ils ne mesurent pas les conséquences. Satire sociale (la comtesse Dohna, vieille intrigante, et son imbécile de fils), pantomime grotesque (la fête des cavaliers avec un diable de carnaval qui est sans doute un clin-d’oeil à Häxan de Christensen), fantastique, marivaudage : tout y est.
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