Trois films de Murnau : Nosferatu, Faust, Tabou

Trois nouveaux titres du génial allemand sortent en DVD. Y éclatent à nouveau la splendeur de sa mise en scène et les lignes de tension qui parcourent son œuvre.

LES FILMS

Nosferatu (1922, 1h34mn)
Faut (1926, 1h37mn)
Tabou (Tabu, 1931, 1h30mn)

L’argument : Nosferatu : En 1838, Hutter, jeune clerc de notaire, part conclure une vente avec un châtelain des Carpates. Après des rencontres menaçantes et de funestes présages, il est reçu par le comte Orlock qui n’est autre que la réincarnation du vampire Nosferatu, créature qui ne peut vivre qu’en suçant le sang des humains.
Faust : Mephisto conclut un pacte avec un vieux savant, le docteur Faust : en échange de son âme, il lui rend la jeunesse et lui donne l’Amour de Marguerite.
Tabou : Sur l’île de Bora-Bora, un pêcheur de perles s’éprend d’une jeune fille vouée à être sacrifiée...

Notre avis : Quelques mois après la sortie chez le même éditeur du très rare Tartuffe, MK2 [1] a l’excellente idée de nous gratifier de trois nouveaux chefs-d’oeuvre de Murnau. Les (re)découvrir est un vrai bonheur. On y retrouve toute la modernité et la force visuelle du cinéaste allemand, au service de genres différents (horreur, fantastique, drame intime).
Eclatent ici le sens de la mise en scène, la poésie et la noirceur de son œuvre. L’exceptionnelle utilisation de la grammaire cinématographique (les plongées et contre-plongées par exemple), des décors, clairs-obscurs et moyens techniques de son temps (les effets spéciaux, les stupéfiantes vues aériennes de Faust, auxquelles répondent les plans sous-marins de Tabou) servent à merveille une vision dichotomique, déchirée d’un monde dans lequel s’opposent sans cesse l’ombre et la lumière, le bien et le mal, la paix de la nature et l’agitation de la société. Paradis perdu corrompu par l’action humaine, la nature, qu’elle soit allemande, ou polynésienne, devient décor naturel magnifié, mais cadre potentiel de bien mauvaises nouvelles (Tabou), voire d’horreurs (Nosferatu) et donc perverti. Murnau, homosexuel et souffrant particulièrement du carcan social dans lequel il est obligé de vivre, fait de son œuvre une réaction critique aussi explicite que les temps le lui permettent eu égard aux conservatismes en vigueur (les appétits sexuels sont à peine voilés). Ces trois films sont également une occasion de le redécouvrir. Mais il n’est pas non plus interdit de les admirer en se laissant simplement captiver par leur inaltérable beauté.

LES DVD

Des suppléments un peu minces, mais des films magnifiquement restaurés. L’essentiel est sauf !

Les suppléments

Les éditions MK2 proposent des extraits d’un documentaire allemand assez austère, mais qui a le mérite de bien replacer les œuvres dans leur contexte. Il fournit pléthore de détails aux éventuels amateurs, à défaut d’analyse approfondie.

Image et son

L’édition profite des efforts déployés par la Fondation Friedrich Wilhelm Murnau, chargée de la restauration, au sens le plus large du terme (montage original...), des films allemands. Un superbe travail qui permet d’apprécier les exceptionnelles qualités formelles du cinéma de Murnau. A ajouter qu’un grand soin a été apporté à la bande-son, si importante dans les films muets ; les musiques mettent parfaitement en valeur le travail du cinéaste.