Le dernier des hommes - Friedrich Wilhelm Murnau - critique

Critique : Seulement, le portier commence à se faire vieux et peine à porter certains bagages jusqu’aux taxis. Un jour, après avoir acheminé une malle particulièrement encombrante, il s’octroie devant les clients une pause dans le hall pour souffler, mais se fait remarquer par le directeur (Hans Unterkircher) de l’hôtel. Ce dernier, qui n’attendait qu’une occasion pour se débarrasser de ce vieil employé, le convoque pour lui signifier sa rétrogradation : désormais, il sera chargé de l’entretien des sanitaires au sous-sol.

Friedrich Wilhelm Murnau, cinéaste majeur du cinéma muet allemand, déjà auréolé d’un important succès international avec Nosferatu le vampire (Nosferatu, eine symphonie des grauens 1922), proposait ici, sur un scénario de Carl Mayer, une histoire poignante à portée universelle. Le portier qui, pas plus que les autres personnages ne porte de nom, ne vit que du prestige de son uniforme. Il aime ainsi pavoiser devant les voisins de son immeuble quand il rentre le soir. Il ira jusqu’à "voler" son uniforme après sa rétrogradation pour ne pas paraître diminué face à eux.
L’humiliation sera à son comble quand une voisine, qui passe devant l’hôtel, va le dénoncer aux autres locataires pour mieux se moquer de lui.

Cette terrible histoire toute simple se clôture par une happy end dont le cinéaste n’est pas dupe. Un carton annonce au spectateur : Mais l’auteur a eu pitié de son héros et inventé un épilogue à peine croyable.

Ce film, œuvre marquante de son époque, est aussi porté par un incroyable Emil Jannings, qui avec un jeu pourtant outrancier, typique du muet, réussit à émouvoir le spectateur avec ses postures improbables, ses yeux de chien battu et ses rouflaquettes magistrales.

Murnau tournera encore un film en Allemagne avant de partir pour Hollywood, où il entamera une seconde partie de carrière tout aussi brillante, mais qui sera brutalement interrompu par son décès accidentel en 1931, à seulement quarante-deux ans.