Le 29 juillet 2021
Un mélange parfait d’émotion et de drame, une tragédie moderne, un chef-d’œuvre.
- Réalisateur : Julien Duvivier
- Acteurs : Charles Vanel, Jean Gabin, Jacques Baumer, Micheline Cheirel, Charles Granval, Roger Legris, Raymond Aimos, Fernand Charpin, Marcel Maupi, Paul Demange, Raymond Cordy, Palmyre Levasseur, Claire Gérard, Viviane Romance, Marcelle Géniat, Robert Lynen
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution, Société d’Édition et de Location de Films (SELF)
- Durée : 1h35mn
- Date télé : 4 février 2023 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 6 avril 2016
- Date de sortie : 17 septembre 1936
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Résumé : Cinq ouvriers chômeurs parisiens, Jean, Charles, Raymond, Jacques et Mario, un étranger menacé d’expulsion, gagnent le gros lot de la loterie nationale. Jean a l’idée de placer cet argent en commun, dans l’achat d’un vieux lavoir de banlieue en ruine, qu’ils transformeront en riante guinguette dont ils seront les copropriétaires. Ils s’attellent à la besogne avec confiance. Mais la solidarité du groupe est fragile... Le destin s’acharne sur eux. Bientôt, il ne reste plus de la joyeuse équipe que Charles et Jean qui sont amoureux de la même femme, Gina…
Critique : Dans la mémoire collective, La belle équipe est associée au Front populaire, ce qui est discutable, et à la chanson Quand on se promène au bord de l’eau. Mais on est chez Duvivier : la collectivité se dissout sans espoir, et la chanson, dès le générique, est aussi jouée à l’accordéon de manière mélancolique. C’est que dans cette histoire de camarades, cinq gagnants à la loterie construisent une guinguette, le ver est dans le fruit ; le destin tragique prend diverses formes mais toutes concourent à la destruction d’une utopie. Que ce soit l’arrêté d’expulsion de Mario, réfugié espagnol, Jacques qui part pour ne pas troubler un couple, la chute de Tintin (Raymond Aimos) au paroxysme de la fête, la belle garce Gina (Viviane Romance) ou le propriétaire, tout se ligue contre le rêve. D’un autre côté, tout se qui devrait les aider tient du hasard (la loterie) ou de la tricherie (le poudrier du début). Décidément, le fameux pessimisme de Duvivier tourne à plein, même dans ce qui devait être une ode à l’amitié et à la collectivité.
La patte du cinéaste, parfaitement maître de son art, éclate aussi bien dans les doux travellings sur les bords de Marne que dans l’utilisation du décor initial (l’hôtel et son escalier). Partout le découpage et la scénographie brillent par leur rigueur et leur précision. Ses choix techniques comme scénaristiques (Charles Spaak est coauteur) instillent sans cesse le drame même au milieu des grands moments : les amants roucoulent, mais dans un décor d’escalier qui forme une nasse ; la danse initiale de Jean et de la grand-mère (Marcelle Géniat) se termine en larmes. Rien n’y fait, le bonheur est fragile ou illusoire. Avec une belle régularité, Duvivier ruine ce qu’il a construit, méthodiquement, implacablement : ainsi les deux fêtes sont-elles associées à la mort et la dernière phrase, « C’était une belle idée », résonne dans la guinguette désertée. C’est la fin souhaitée par Duvivier et Spaak, rejetée par le public et remplacée par une mièvrerie indigne, que l’on peut voir dans le bonus.
Tout dans ce film est inspiré : de l’interprétation (Gabin de la grande époque, Vanel impérial, et toute la remarquable cohorte des seconds rôles des années 30) à la mise en scène, en passant par des décors soignés (même si les toiles peintes sont parfois visibles), c’est un plaisir aussi sensible qu’intellectuel. D’autant que le scénario, parfaitement structuré avec ses échos (deux engueulades de propriétaires, deux fêtes tragiques…) et sa progression en deux temps (ascension / chute), rappelle la maîtrise de Spaak ; ses dialogues sertis de phrases définitives (« La belote et l’amour, ce sont des choses qui se font en silence ») gardent un naturel efficace, sans abus de mots d’auteur et avec des trouvailles réjouissantes, comme le javanais ou la manière de sauver le toit. On cherchera en vain des facilités et si le film a vieilli, c’est au bon sens du terme : reflet d’une époque, il en constitue l’envers marqué par la tragédie. Un classique, beau et touchant.
Sortie Blu-ray : le 1 juin 2016
Les suppléments :
Outre la bande-annonce, une analyse du film confronte les regards experts d’ Eric Bonnefille et d’Hubert Niogret à des archives (Viviane Romance, Charles Spaak et, en audio, Duvivier lui-même). L’érudition des spécialistes fournit nombre d’informations précieuses sur divers aspects comme l’interprétation, les décors ou la fin. Un régal de 24 minutes.
L’image :
La restauration a supprimé toutes les scories et propose une belle image, nette et soignée, malgré un grain un peu épais.
Le son :
Même marquée par le temps, la piste mono 2.0 propose des dialogues clairs et presque toujours compréhensibles. La musique sature parfois, mais, au vu de l’âge du film, on est au top des possibilités techniques.
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