Le 4 juin 2020
Un diamant noir, implacable, dans une copie magnifique.
- Réalisateur : Julien Duvivier
- Acteurs : Jean-Paul Roussillon, Gérard Blain, Jean Gabin, Aimé Clariond, Danièle Delorme, Betty Beckers, Robert Arnoux, Paul Barge, Lucienne Bogaert, René Lacourt, Robert Manuel, Germaine Kerjean, Gabrielle Fontan, Liliane Bert, Gaby Basset
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : Pathé Vidéo
- Durée : 1h53mn
- Date télé : 15 septembre 2022 21:00
- Chaîne : OCS Géants
- Date de sortie : 13 avril 1956
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Résumé : À Paris, André Chatelin, un restaurateur au grand cœur, voit débarquer la fille de sa première épouse qu’il n’a pas vue depuis des années. La jeune femme se prénomme Catherine et déclare que depuis la mort de sa mère à Marseille elle n’a nulle part où aller. Bientôt, la jeune fille tente d’évincer Gérard, un sympathique étudiant sans le sou qu’André considère comme son fils. Ce n’est que le début de son projet machiavélique…
Critique : Après l’échec de Marianne de ma jeunesse, tentative d’échappée sentimentale, Duvivier revient à sa noirceur, celle de Panique, par exemple. Dès le titre, dès la chanson du générique (paroles du cinéaste, chantée par Germaine Montero), le ton est donné : sur un implacable scénario, il dresse le portrait d’une humanité dominée par des femmes épouvantables que l’appât du gain et la vengeance transforment en « monstres ». C’est dans les détails que Duvivier excelle : les décors soignés (le restaurant, la maison proprette et figée de Gabin, la chambre sinistre de Gabrielle, la mère de Catherine, mais aussi les Halles et leur agitation), tout autant que ces inventions surprenantes (scènes saisissantes du fouet manié par la mère, pour tuer un poulet, ou punir la jeune fille ou les cris des corbeaux quand on repêche la voiture de Gérard), et jusqu’aux clins d’œil : l’établissement s’appelle ironiquement « Au rendez-vous de innocents », et le compositeur est cité à la radio.
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Trois personnages principaux, André le restaurateur, interprété sobrement par Gabin, Gérard, le quasi-fils auquel le jeune Gérard Blain apporte sa fraîcheur, et la redoutable Catherine, dont Danièle Delorme pensait ne pas réussir à traduire la noirceur, sont entraînés par les manigances d’une vieille droguée (Lucienne Bogaert), dans un drame sans échappatoire. Dès les premières séquences, les regards en-dessous de la jeune fille, son papier camouflé, sont des promesses de fourberie. Et son visage d’ange (on pense à Un si doux visage de Preminger) va distiller un venin visant à séparer les amis puis à se débarrasser d’eux. Remarquable de duplicité, elle manipule les sentiments avec art, jouant de la larme ou du sous-entendu. La direction de Duvivier donne aux acteurs le geste sûr, le regard signifiant, la moue efficace ; on est dans la haute couture.
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Les personnages secondaires, des clients débonnaires à la matrone du bord de Marne, la mère d’André, composent un monde pittoresque, là encore très soigné. Mais on sent aussi la posture morale du réalisateur : le sexagénaire qui collectionne les jeunettes, le commerçant qui étale son argent, les deux lesbiennes, l’hôtelier, tout une humanité assez répugnante. Le temps des assassins, c’est celui du mal généralisé qui agit comme une gangrène et pourrit tout. La pureté n’y résiste pas.
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On n’a pas manqué de taxer le film de misogyne, et il est vrai que les portraits de femme sont cruels. Mais c’est oublier la noirceur de l’ensemble : Duvivier atteint une misanthropie sans appel, et, au fond, il affirme que tout le monde est capable du pire. C’est sans doute radical, et certaines séquences vont jusqu’au sadisme (le fouet) ou l’horreur (la découverte de Gabrielle par André), haussant l’œuvre à un étonnant niveau qui se moque du réalisme. Dès que la machination est enclenchée, les respirations se font rares et les personnages s’enfoncent dans une nuit aussi réelle que symbolique.
Voici le temps des assassins est la dernière collaboration de Duvivier et Gabin : après la triomphale série des années 30, le film sonne comme un adieu des plus sombres. Il fonctionne en partie comme l’envers de La belle équipe, avec la guinguette devenue sinistre et la femme amorale. Mais on retrouve avec jubilation la maîtrise technique imparable du cinéaste : il n’est que de citer les impressionnants travellings à l’intérieur du restaurant ou le jeu des plongées-contre-plongées à l’hôtel. L’ensemble forme, on l’aura compris, un indispensable classique des années 50, mené avec une belle rigueur. Même Truffaut, qui ne fut pas toujours tendre avec Duvivier, a aimé ce film. C’est dire.
Le test Blu-ray
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Les suppléments :
Deux spécialistes, Eric Bonnefille et Hubert Niogret, passent en revue différents aspects du film (les comédiens, le décor, la réception) dans Filmer la noirceur (18 minutes). La bande-annonce d’époque, est amusante de sensationnalisme.
L’image :
C’est une résurrection : la précision des détails, la profondeur des noirs et le respect du « grain cinéma » font de cette copie un modèle de restauration.
Le son :
Malgré quelques stridences musicales, la piste mono DTS HD donne une nouvelle vigueur aux dialogues et aux bruitages des Halles.
– Sortie Blu-ray : 1er juin 2016
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