Le rendez-vous de minuit
Le 3 août 2011
Un étonnant film policier de 1908 qui confirme la stature de l’immense Capellani.
- Réalisateur : Albert Capellani
- Acteurs : Jacques Grétillat , Marguerite Brésil, Henri Desfontaine
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Film muet
- Nationalité : Français
- Durée : 18 mn
- Plus d'informations : http://www.davidbordwell.net/blog/category/directors-capellani/
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Un étonnant film policier de 1908 qui confirme la stature de l’immense Capellani.
L’argument : M. Rasta, un homme élégant à la recherche d’une occasion, descend à l’hôtel du Palais. Il s’habille pour sortir mais lorsqu’il enfile ses gants blancs les boutons lui restent dans les mains. On fait venir une modiste qui les recoud.
Sur la terrasse d’un restaurant de nuit Rasta rencontre une jeune femme qui lui donne rendez-vous à minuit en lui glissant un mot à l’insu de l’homme d’âge mûr qui l’accompagne. Elle le ramène en voiture dans sa villa devant laquelle traîne M. Jules, lui aussi à la recherche d’une occasion.
Pendant que la servante ferme les volets et que la maîtresse de maison se change M. Rasta découvre des bijoux dans une cassette et les glisse dans sa poche.
Lorsque, un peu plus tard, la jeune femme le raccompagne à la grille il laisse tomber ses gants. M. Jules les ramasse, les enfile et s’introduit dans la maison. Il est surpris par la propriétaire alors même qu’elle vient de constater le vol des bijoux. Ils en viennent au main jusqu’à ce que, sous l’effet de l’émotion, elle s’écroule sans vie. M. Jules laisse tomber les gants et s’en va.
Arrivée sur les lieux, la police retrouve rapidement la piste de M. Rasta grâce aux gants laissés sur le tapis et que la modiste identifie sans peine. Les bijoux trouvés dans les affaires de Rasta le désignent immédiatement comme coupable. Amené sur les lieux du crime il est également reconnu par la servante et emmené sous les yeux de la foule attroupée devant la villa. Serviable, M. Jules tient la porte du fourgon de police qui s’éloigne tandis que la foule se disperse.
Notre avis : Dans cette scène dramatique relevant du genre policier, Albert Capellani s’amuse à prendre le spectateur par la main, l’invitant à suivre pas à pas une intrigue assez complexe dont nous avons tenu à dérouler précisément le fil dans le résumé ci-dessus.
Le plaisir intense que procure cette bande de deux bobines tient à la manière dont le cinéaste articule son récit en utilisant avec une judicieuse parcimonie les ressources d’un outil qu’il maîtrise comme personne peut-être en 1908 : légers mouvements d’appareil pour accompagner les déplacements des personnages devant la villa, gros plan des mains lorsque la modiste recoud les boutons des gants, split-screen lors d’une conversation téléphonique (avec au centre de l’image, l’intense trafic des voitures tirées par des chevaux sur l’Avenue de l’Opéra).
Mais ce qui étonne surtout c’est le sens des cadrages et de la chorégraphie des déplacements ainsi que la manière dont est utilisée la profondeur de champ : un homme attendant sur le trottoir l’arrivée d’une voiture qui surgit au fond, à l’angle d’un immeuble, et avance vers le premier plan ; le bref hors champ, derrière le rideau, au moment de la lutte entre le cambrioleur et la maîtresse de maison ; la dispersion de la foule des badauds à la fin.
Le jeu des acteurs évite toute expressivité surlignée et le film renonce au commentaire moralisateur, déjouant les attentes lors d’une conclusion cruelle et ironique (le policier remerciant le vrai coupable qui tient la porte du fourgon) : non, l’ordre et la justice ne triompheront pas !
Observant l’action avec la juste distance documentaire, Capellani parvient à installer un climat d’étrangeté qui aiguise l’attention du spectateur et laisse le sens en suspens. On ne saurait dire si les badauds attroupés (et surtout les deux garçons qui traversent le champ en vélo) sont des figurants ou des passants occasionnels. Ce sentiment d’ouverture, d’indécidable, et l’admirable respiration de plans à l’intense photogénie (magnifique ambiance nocturne sur la terrasse du restaurant) confèrent à L’homme aux gants blancs un charme puissant et une jeunesse persistante.
Soigneusement reconstitué par L’immagine ritrovata à partir de quatre copies différentes (et incomplètes) ce stupéfiant joyau de 18 minutes est une des révélations d’un DVD que vient de publier la Cineteca di Bologna et qui, après le passionnant coffret Capellani de Pathé sorti il y a peu, confirme l’importance primordiale de ce cinéaste s’affirmant sans peine comme l’égal d’un Griffith ou d’un Feuillade (qu’il précède d’ailleurs tous les deux).
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