Faux en écriture
Le 18 février 2011
Un chef d’oeuvre du cinéma danois des années 10. Un drame 19ème siècle à l’écriture cinématographique d’une étonnante modernité.


- Réalisateur : August Blom
- Acteurs : Clara Pontoppidan, Valdemar Psilander, Augusta Blad
- Genre : Drame, Film muet
- Nationalité : Danois
- Durée : 41 mn
- Plus d'informations : http://www.dfi.dk/faktaomfilm/natio...

L'a vu
Veut le voir
Un chef d’oeuvre du cinéma danois des années 10. Un drame 19ème siècle à l’écriture cinématographique d’une étonnante modernité.
L’argument : Aage, fils de la veuve Metha Hellertz, mène une vie dissolue. Sa mère accepte de rembourser l’argent qu’il doit au serveur et prêteur-à-gage Hansen. S’étant épris de la fille de ce dernier, Anna, il quitte le foyer familial pour s’installer avec elle. Mais, à nouveau endetté auprès de Hansen, il ne voit pas d’autre issue que de s’introduire de nuit dans l’appartement de sa mère pour la voler. Le concierge alerte la police mais Madame Hellertz disculpe son fils et l’accompagne chez Hansen. Ils y surprennent une altercation entre Anna et son père. Celui-ci meurt d’un arrêt cardiaque après que sa fille ait déchiré la reconnaissance de dette de Aage. Mme Hellertz accepte Anna comme belle fille.
Notre avis : Dans les années précédant la Première Guerre Mondiale, la production cinématographique danoise connut une période d’intense activité et un rayonnement international. C’est là que s’imposa le long métrage (autour de 45 minutes dans un premier temps) et que naquit le star system. Le renouvellement du langage filmique y était le plus souvent associé à des sujets audacieux entourés d’un parfum de scandale. L’année 1910 fut ainsi marquée par la sulfureuse danse apache exécutée par Asta Nielsen dans Afgrunden - l’abîme d’Urban Gad pendant qu’August Blom abordait le thème de la prostitution dans Den hvide slavehandel - la traite des blanches dont le fracassant succès fit la fortune de la Nordisk Film.
Blom, qui tournera jusqu’en 1925, a signé plus de cent films et nombre d’oeuvres de première importance, telles que Balletdanserinden (1911, avec Asta Nielsen et Psilander) et, plus tard, les superproductions à grand spectacle que sont Atlantis (1913, inspiré du naufrage du Titanic) ou Verdens undergang - la fin du monde (1916).
L’écriture filmique de Ved Fængslets Port, drame ancré dans un contexte social encore très dix-neuvième siècle, est à peu près totalement libérée des rigidités esthétiques et morales que l’on s’attendrait à y rencontrer. Si la caméra y reste fixe, la variété des grosseurs de plans (jusqu’à l’insert lorsque le héros s’entraîne à falsifier la signature de sa mère) et le découpage très articulé confèrent au récit une remarquable fluidité mais le film garde la fraîcheur d’un cinéma non encore totalement assujetti aux carcans narratifs : les plans de rue et même les personnages secondaires conservent un aspect documentaire, une autonomie qui donne à l’ensemble sa respiration et son authenticité.
Comme dans la plupart des chefs d’oeuvre de cette époque, c’est surtout la composition et les déplacements dans le cadre qui stupéfient. L’exemple le plus frappant est l’apparition de la mère dans le miroir du salon où le héros est en train de forcer le secrétaire, la force dramatique de la scène étant multipliée par un formidable travail sur la lumière.
Les décors n’ont jamais l’air d’être de carton pâte et la direction d’acteur est très moderne. Seule Augusta Blade (la mère) s’autorise quelques gestes altiers, tout à fait en situation au demeurant, mais Clara Wieth (Anna) et Valdemar Psilander sont confondants de naturel. Lui sera jusqu’à sa mort prématurée en 1917, une des plus grandes stars masculines du cinéma mondial. Elle, grande vedette au théâtre, tournera de nombreux films jusqu’en 1972, entre autres avec Dreyer (Blade af Satans bog , 1919 ; Der var engang, 1922) et Christensen ( Häxan).
Edité en DVD par la Cinémathèque danoise avec deux autres films interprétés par Psilander, Ved Fængslets Port porte son siècle avec une jeunesse étonnante.
Un extrait : ICI