Le 5 janvier 2019
Gros succès à son époque, Manhattan melodrama apparaît aujourd’hui assez désuet, même s’il comporte de bons moments et un potentiel subversif.
- Réalisateurs : George Cukor - W.S. Van Dyke
- Acteurs : Clark Gable, William Powell, Myrna Loy, Leo Carrillo, Nat Pendleton
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h33mn
- Date de sortie : 1er novembre 1934
L'a vu
Veut le voir
– Oscar 1935 de la meilleure histoire originale
Résumé : Deux amis d’enfance vont évoluer dans deux directions opposées : l’un devenant gangster et l’autre district attorney. Mais ils tomberont tous deux amoureux de la même fille...
Notre avis : Connu en France sous le titre absurde de L’ennemi public n° 1, Manhattan melodrama est resté dans les mémoires pour une anecdote : le gangster Dillinger s’est fait abattre en sortant de la projection. Est-ce assez pour en faire une œuvre marquante ? Certes pas : le film reste prisonnier de trop de conventions, et le sujet lui-même, deux hommes qui s’apprécient mais sont des deux côtés du droit, n’a rien d’original. Il faut en plus supporter deux personnages comiques éprouvants, une Myrna Loy qu’on a connue plus fine ailleurs et quelques dialogues sentencieux. Mais Manhattan melodrama a aussi de réelles qualités : dès le début, la scène de la panique sur le bateau est bien menée (la sauvagerie de la foule, les gens piétinés, un homme qui arrache à une femme son gilet de sauvetage, tout cela dans un montage très serré et très efficace). De même la séquence d’adieu entre Blackie et Jim, avant l’exécution du premier, sait-elle émouvoir sans verser dans le pathos.
Cependant, ce qui ne laisse d’interloquer, c’est la vision de la morale que propage le film. À bien y regarder, et si on excepte une fin conventionnelle, il nous dit qu’un homme politique ne peut être élu sans compromissions : malgré son intégrité, Jim ne devient gouverneur que parce que Blackie élimine Snow, un obstacle à son élection. De plus, la femme de Jim, ex-maîtresse de Blackie, menace de le quitter s’il ne le gracie pas (il faut dire qu’elle est indirectement, au moins, responsable du meurtre). Tout se passe donc comme si le futur gouverneur avait besoin, pour accéder à sa fonction, d’un exécuteur des basses œuvres, lui qui ne cesse de mettre en avant son devoir dans des discours moralisateurs. Vision bien noire, suggérant que l’honnêteté est impossible à qui se frotte à la politique. Noire, ou réaliste, on laissera à chacun la possibilité d’en juger …
Par ailleurs, Manhattan melodrama est fondé sur l’idée que tout est écrit : petite crapule, Blackie ne peut que devenir meurtrier ; et Jim, qui, enfant, se perd dans les livres, réussira forcément sa vie. Idéologie basique, maintes fois reprises, et cependant battue en brèche par les choix des interprètes : si William Powell incarne avec raideur l’homme juste, c’est du côté de Clark Gable, bravache et souriant jusqu’au bout, séducteur blessé et ami fidèle, que le spectateur penche. Rien n’y fait : le crime (remarquons que les deux meurtres sont justifiés, soit par la légitime défense, soit par le risque couru par Jim) et le jeu sont autrement plus attractifs que la morale hiératique transformée en pensum rédhibitoire.
W. S. Van Dyke émaille son film de belles idées (la lumière qui baisse pendant l’exécution, par exemple) et manie plutôt bien le travelling, mais les dialogues sont enregistrés trop souvent à la paresseuse ; d’autant que, même s’ils sont cosignés par le grand Mankiewicz, ils ne brillent pas toujours par leur inspiration. N’étaient quelques étrangetés (le nombre de personnages qui réclament un hot-dog !) et la malice permanente de Blackie, ils ne dépareraient pas du tout-venant. Mais le charme de Gable, la réussite indiscutable de passages soignés et la vigueur récurrente du montage valent que l’on jette un œil bienveillant sur ce film bancal mais attachant.
- © Warner Bros. Tous droits réservés.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.