Une famille formidable
Le 19 juillet 2016
Joachim Lafosse se lance dans une comédie plus comptable que romantique, animée avec virtuosité par une famille de comédiens épatants.
- Réalisateur : Joachim Lafosse
- Acteurs : Bérénice Bejo, Marthe Keller, Catherine Salée, Cédric Kahn
- Genre : Comédie dramatique, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français, Belge
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 10 août 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016, Festival de La Rochelle
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Résumé : Après quinze ans de vie commune, Marie et Boris se séparent. Or, c’est elle qui a acheté la maison dans laquelle ils vivent avec leurs deux enfants, mais c’est lui qui l’a entièrement rénovée. A présent, ils sont obligés d’y cohabiter, Boris n’ayant pas les moyens de se reloger. A l’heure des comptes, aucun des deux ne veut lâcher sur ce qu’il juge avoir apporté.
Critique : Après s’être égaré dans les sables du désert tchadien avec Les Chevaliers blancs sorti en début d’année, Joachim Lafosse revient à son sujet de prédilection : la famille et ses tourments.
On pénètre directement dans le quotidien de Marie. Elle rentre chez elle avec ses deux filles qui sortent de l’école. Goûter, devoirs, préparation du repas : tout s’enchaîne joyeusement jusqu’à l’irruption du père dans cet univers bien huilé. Marie lui reproche de venir de manière impromptue et en plus de s’incruster. Car Boris, dont elle est séparée, ne parvient pas à trouver de logement. Réalité économique moderne : autrefois, les couples restaient ensemble pour des raisons morales, aujourd’hui, à l’heure des loyers hors de prix, les finances contraignent à la cohabitation forcée. L’intérêt du cinéaste ne se porte pas sur les relations d’un couple. On ne sait pas pourquoi ils se séparent, ni ce que fut leur vie auparavant et ce n’est pas là le sujet.
- Copyright : Fabrizio Maltese
Sur fond de trame sociale, il préfère disséquer sans pathos, ni hystérie mais avec une froideur minutieuse, ce conflit symbolisé par l’argent, catalyseur de leurs frustrations respectives. Marie est une femme énergique et organisée, peut-être même un peu rigide. Elle vient d’une famille aisée, elle travaille. Elle est proche de sa mère même si les deux femmes n’ont pas la même vision de la vie. On peut imaginer qu’elle s’est lassée de cet homme indécis et sans réelle activité professionnelle. Elle ne manque pas une occasion de l’humilier financièrement : les chaussures de foot qu’il promet en vain d’acheter à sa fille, la nourriture qu’il prélève dans le réfrigérateur, et enfin leur logement qu’elle a payé de ses propres deniers et dont il revendique la propriété comme une compensation à la fin de leur amour. Cette maison au décor bourgeois et sobre constitue un personnage à part entière. À part la scène de fin, la totalité du film s’y déroule. Progressant par étapes, le réalisateur laisse ses personnages se perdre petit à petit dans ce huis clos restreint.
- copyright Fabrizio Maltese
Tout se passe entre la cuisine, la salle à manger et le salon. La chambre des parents, symbole d’un passé révolu, est quasiment inaccessible. Par la grande baie vitrée, on aperçoit la cour, seul appel d’air dans cet espace d’enfermement. Faisant le choix d’une mise en scène oppressante, il les regarde se démener avec leurs armes tout en gardant une distance impartiale. Grâce au parti pris de longs plans-séquences fluides, on suit sans s’ennuyer les mouvements et les réactions de ce couple incarné par une Bérénice Bejo toute en nuance, nous distillant avec justesse la palette des sentiments, de la colère à la tristesse et bien plus encore de la détresse face à son enfant en danger ; et Cédric Kahn, plus connu pour ses réalisations, qui confirme ici son talent d’acteur dans la peau de ce personnage attachant et attendrissant en père malheureux. Et puis, il serait injuste de ne pas mentionner l’importance du rôle des jumelles. Parfaitement dirigées, elles rappellent les jours heureux de cette famille et leur répartie, authentique, est une véritable bouffée d’oxygène au milieu du bourbier conjugal.
Il faudra finalement l’intervention de la loi pour que tout ce petit monde retrouve sa sérénité. Réjouissant car on s’est attaché à cette famille éclatée qui n’est pas loin de ressembler à une famille formidable.
– Quinzaine des réalisateurs Cannes 2016
– Festival International du Film de La Rochelle
- Copyright : Fabrizio Maltese
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