Le 29 septembre 2021
Joachim Lafosse revient à ses amours premières en faveur d’un cinéma de la déliquescence du quotidien. Le film bénéficie des interprétations magistrales de Damien Bonnard et Leïla Bekhti.
- Réalisateur : Joachim Lafosse
- Acteurs : Leïla Bekhti, Patrick Descamps, Damien Bonnard, Gabriel Merz Chammah
- Genre : Drame, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français, Belge, Luxembourgeois
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h58mn
- Date télé : 19 janvier 2024 21:07
- Chaîne : France 5
- Date de sortie : 29 septembre 2021
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : Leila et Damien s’aiment profondément. Malgré sa bipolarité, il tente de poursuivre sa vie avec elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu’elle désire.
Critique : Joachim Lafosse a toujours affectionné les films de la décomposition des couples ou des familles, ancrée dans le quotidien. Dans son nouveau long-métrage, le cinéaste récidive avec un récit foudroyant où la maladie mentale, en l’occurrence la bipolarité, s’invite dans une famille d’artistes. Damien est un peintre très talentueux. Il conçoit des œuvres de grand format la nuit dans son atelier qui jouxte la maison. Son pinceau s’écrase sur la toile avec fougue, dans une rage et une fulgurance équivalentes à la maladie mentale qui le ronge. Son épouse, restauratrice de meubles, tente de maintenir l’équilibre de la maison en prenant soin de leur fils et en veillant que les crises maniaques ou dépressives ne viennent pas saccager leur existence quotidienne.
- Copyright Stenola Productions
Joachim Lafosse excelle dans ce cinéma de la destruction. Dès les premières minutes de son long-métrage, il installe la tension qui ne quittera plus le récit jusqu’à la fin. Cette tension extraordinaire plonge ses racines dans un mal invisible, la psychose maniaco-dépressive : elle conduit les patients qui en sont atteints à des comportements totalement coupés de la réalité, qui alternent entre énergies délirantes et écrasements mélancoliques. La tension s’installe dès le début, car le réalisateur choisit d’ouvrir son scénario sur une période maniaque de Damien. L’homme ne prend pas son traitement régulateur et s’enferme dans des excès qui le mettent en danger physiquement et psychologiquement, ainsi que sa propre famille. Leïla aime son mari, mais à force de contenir les risques et les débordements de Damien, elle finit par s’épuiser et se perdre. Et il y a l’enfant, entre les deux, qui n’a pas choisi ses parents et, au lieu de mots posés auprès de ses proches, s’enlise dans l’angoisse, les nuits sans sommeil et l’échec scolaire.
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Les Intranquilles se situe dans la continuité des films de Lafosse comme L’économie du couple ou A perdre la raison. Le cinéaste ausculte dans les détails les plus intimes l’effondrement d’un couple et d’une famille à l’aune d’un ennemi invisible, à savoir la maladie mentale. Cet ennemi n’a rien à voir avec le médecin pervers et manipulateur ou le spectre du manque d’argent. C’est une pathologie insidieuse, maltraitante, qui laisse les personnes dans le désœuvrement total. Lafosse refuse de montrer les soins, les consultations psychiatriques. L’essentiel de son récit se passe dans la maison magnifique, bordée d’arbres, à la façon de Nue propriété où la demeure était l’enjeu d’un théâtre de la mort entre une mère et son fils. Le réalisateur ne cède à aucune velléité romantique pour décrire la folie, comme souvent au cinéma où l’on adosse la perte de la raison à la victimisation magnifique de celles et ceux qui en sont atteints. La monstration de la folie est brute, directe. Elle n’accorde aucun repos, aucune lumière, et plonge dans le désarroi total les proches de Damien.
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La puissance de la réalisation est éminemment liée à l’interprétation des deux comédiens principaux. Damien Bonnard se jette à cœur et à corps perdus dans les habits de son personnage, ravagé par la bipolarité. Toutes les gestualités, tous les passages à l’acte, tous les mots sont d’une justesse incroyable, comme s’il avait été lui-même l’objet de ce mal et en connaissait parfaitement tous les traits. Il n’y a jamais de ridicule dans cette manière de se débattre avec lui-même. A ses côtés, Leïla Bekhti confirme son talent implacable. Elle ne joue pas les seconds rôles. Au contraire, sa place de mère et d’épouse est fondamentale dans ce récit de la folie. Son corps a changé pour celui d’une femme qui prend du poids et s’oublie, à force de veiller à ce que sa famille ne se précipite pas dans le chaos. Ils occupent l’écran d’un bout à l’autre et le spectateur est emporté dans le tourbillon de leur épuisement.
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Joachim Lafosse offre ici un grand film qui viendra nourrir un grand nombre de conférences sur la maladie mentale. Il rend hommage à toutes ces familles qui attendent des solutions face à un mal psychiatrique que les institutions hospitalières et médicales ont du mal à contrôler encore. Il témoigne de l’enfer des patients, mais surtout de leurs aidants familiaux qui ne parviennent pas à trouver dans l’environnement ordinaire des réponses durables, des répits au milieu de cet accompagnement au quotidien de leur proche malade. En ce sens, Les Intranquilles devient un film d’intérêt public.
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