Le 9 janvier 2024
Joachim Lafosse réussit encore un drame familial prenant, sobre, et à la construction audacieuse, s’emparant d’un thème de société sans sombrer dans le didactisme.
- Réalisateur : Joachim Lafosse
- Acteurs : Daniel Auteuil, Emmanuelle Devos, Louise Chevillotte, Baptiste Sornin, Jeanne Cherhal, Matthieu Galoux
- Genre : Drame, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h39mn
- Date télé : 25 octobre 2024 23:56
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 10 janvier 2024
- Festival : Rencontres cinématographiques de Cannes
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Résumé : Silencieuse depuis vingt-cinq ans, Astrid, l’épouse d’un célèbre avocat, voit son équilibre familial s’effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice.
Critique : La caméra en plan fixe scrute le regard effondré d’une femme via le rétroviseur de sa voiture, dans une séquence introductive caractérisée par sa longueur et qui met d’emblée le spectateur mal à l’aise, tout en captant son attention. La première demi-heure d’Un silence, tout en frappant par sa sobriété et la rigueur de sa mise en scène, pourra toutefois déconcerter du fait d’une narration mystérieuse et de dialogues embrouillant le spectateur cherchant à cerner les enjeux du scénario. Pour quelle raison Astrid (Emmanuelle Devos) se rend-elle dans ce poste de police, et que cherche à lui faire déclarer la commissaire bienveillante mais tenace (la chanteuse Jeanne Cherhal, étonnante) ? On comprend simplement que son fils adolescent (Matthieu Galloux, dont c’est le premier rôle au cinéma) a tenté d’assassiner son père adoptif (Daniel Auteuil, qui campe un avocat réputé et médiatisé). Le flash-back qui suit est d’abord de la même veine, et risquera de laisser définitivement sur la touche le public du samedi soir recherchant un drame consensuel et linéaire.
- Emmanuelle Devos dans "Un silence"
- © 2023 Les Films du Losange. Tous droits réservés.
De quelle affaire (de mœurs apparemment) s’occupe maître Schaar ? Qui sont ces deux personnages en voiture qui rodent devant son logement ? La jeune femme déterminée (Louise Chevillotte) avec laquelle s’entretient Astrid est-elle sa fille aînée ou sa jeune sœur ? Et parle-t-elle de son frère ou d’un jeune oncle ? Très vite, la situation s’éclaircit, et un deuxième film semble apparaître dans le dispositif, dont nous ne dévoilerons pas les enjeux. Car Joachim Lafosse, et ses coscénaristes dont Thomas Van Zuylen, cherchent à faire du spectateur l’emblème du regard des acteurs sociaux découvrant le comportement plus ou moins douteux de leurs pairs. Un silence s’inscrit en même temps dans la lignée des œuvres antérieures du réalisateur, souvent axées sur les affres de la cellule familiale. Le film évoque en effet la pédocriminalité au sein de la parentèle, quand Élève libre posait le problème de l’emprise excessive sur les adolescents, tandis qu’À perdre la raison abordait carrément l’infanticide, et Les intranquilles les ravages occasionnés par un parent bipolaire.
- Daniel Auteuil et Jeanne Cherhal dans "Un silence"
- © 2023 Les Films du Losange. Tous droits réservés.
Un silence est imprégné de la même noirceur sur le plan de l’ambiance, contrairement au ton un brin léger qui pouvait nuancer les tensions dans Nue propriété (sur les relations houleuses entre une mère et ses deux fils jumeaux) ou L’économie du couple (sur la cohabitation forcée entre divorcés). Mais comme à son habitude, Joachim Lafosse montre une approche de moraliste, sans être moralisateur, n’hésitant pas à nuancer les traits psychologiques de personnages qui ont tous leur part d’humanité ou de zone d’ombre. En ce sens, le métrage n’a rien à voir avec les produits #MeToo tel le racoleur Le consentement, emblème d’un cinéma voyeuriste et complaisant. Il faut également reconnaître au réalisateur le mérite d’avoir dirigé avec brio deux acteurs français majeurs. Daniel Auteuil (courageux pour un rôle refusé par d’autres pointures) est aussi bon que dans ses rôles chez Sautet, Téchiné ou Nicole Garcia. Quant à Emmanuelle Devos, elle retrouve la grâce qu’elle incarna naguère pour Jacques Audiard ou Desplechin. Produit et distribué par Les Films du Losange, Un silence se présente donc comme hautement recommandable.
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