Le 9 avril 2015
- Scénariste : Toldac>
- Dessinateur : Philan
- Coloriste : Scarlett Smulkowski
- Genre : Drame
- Editeur : Grand Angle
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 1er janvier 2015
Jeu De Dames est un diptyque qui nous entraîne dans la seconde guerre mondiale, et surtout dans les années qui l’ont suivi. Un drame sentimental, qui s’alambique petit à petit d’une intrigue plus étrange impliquant d’autres enjeux plus vastes.
Résumé :
Juin 1943, Allemagne, l’ingénieur Hugo Ebeling va voir sa vie évoluer curieusement. Travaillant dans le centre de construction des fusées V1 et V2, il espérait œuvrer à un grand projet. Mais les violences commises par l’armée à l’encontre des juifs le révoltent et le poussent à quitter son travail. En ces temps de guerre, certaines décisions sont lourdes de sens, mais en s’engageant dans la résistance allemande, Hugo va rencontrer l’amour et aussi la mort. Des souvenirs qui le hanteront encore bien longtemps après, alors qu’il est installé aux Etats-Unis et que commence la course à l’espace...
Notre avis :
Une histoire très simple au premier abord, flirtant avec le thème de l’amour impossible. Puis le récit se complique doucement avec les rencontres que Hugo va faire en Amérique. Tous les éléments sont réunis pour sortir un beau mélo avec des personnages forts et entêtés en diable, aux valeurs orales fortes. On pourrait repenser aux films de Douglas Sirk. Cœurs brisés, principes moraux inébranlables et conviction dans la force de l’amour incroyable. On pourrait s’attendre à un triangle amoureux classique, mais il n’en est rien.
Chaque drame se révèle finalement aussi comme une occasion à prendre pour un des personnages et du coup, tout est ambigu. Hugo erre dans des zones de gris, se rattachant à un serment du passé pour ne pas flancher. Autour de lui, avec les personnages de Eva et Lola, rôdent des femmes, des souvenirs, des obstacles, des rêves...
Tout pourrait aller de mal en pis mais en fait, c’est une nouvelle intrigue qui prend place en filigrane derrière les mésaventures de Hugo, une intrigue fondée sur la recherche aérospatiale et les rivalités russes et américaines. Une intrigue que Hugo va devoir payer, au prix fort. Tous les rouages seront sans doute révélés dans le tome deux. Et tout d’un coup, on se prend à espérer que Hugo, tiraillé entre le souvenir de l’aimée et la petite amie de son meilleur ami, trouve le bonheur quelque part au milieu de tout ce mélo.
Le côté mélo années cinquante est d’autant plus marqué que les personnages sont certes tiraillés par leur sentiments, mais ils s’accrochent à leurs principes et à leurs rêves. Ils ne sont pas encore à l’image de ces anti-héros qui vont fleurir dans les années soixante-dix, troubles et négatifs. Ils portent haut et fort les vieilles valeurs du monde des années cinquante. Mais ces mêmes valeurs sont aujourd’hui encore, pour beaucoup, les nôtres. C’est peut-être leur approche qui a changé. Et encore...
Si Toldac nous a mitonné cette histoire un peu rétro, c’est Philan qui en assure le dessin. Prenant un parti pris réalise, il crée des personnages expressifs autant par leurs regards que par leur attitudes. Les décors sont également très précis mais savent parfois s’estomper, comme suite à une variation de mise au point, pour passer dans un flouté qui permet de recentrer, le temps d’une case, l’action sur les regards. Mais le côté triste du récit nous est sans cesse rappelé par les couleurs de Scarlett Smulkowski. En effet, des ambiances toujours teintées de sombre, qu’elles tirent vers les bleus ou les verts. Chaque éclaircie est toujours entourée d’une lourdeur des couleurs. Même les belles teintes de l’automne semblent marquées par le drame qui se noue. Ce choix permet de ne jamais oublier que derrière les rares moments de paix que vit Hugo, couve un drame à venir.
Le découpage tient généralement en trois à quatre bandes de une à quatre cases. Mais pour jouer sur les rythmes, une bande peut soudain vous proposer deux cases l’une sur l’autre en fin de ligne. Ou alors laisser la place à une grande case, enchâssée de petits dessins. Cela permet de resserrer le découpage sur un regard, de ralentir l’action, ou bien d’ouvrir sur de grands espaces et d’accélérer la dynamique de lecture. Cela laisse la part belle aux silences, et de nombreux moments gagnent en force, grâce à trois à quatre cases s’enchaînant sans l’ombre d’une parole.
Le cadrage joue sur les plans serrés et les plans larges, sans oublier parfois des vues d’ensemble pour prendre conscience d’un décor entier, comme l’intérieur de l’usine ou du casino. Souvent, il s’agit de donner à voir large avant de resserrer sur les personnages, porteurs de l’intrigue, voire même de serrer encore plus pour saisir l’instant où quelque chose se joue à l’intérieur d’eux, désir, colère, déception, amour, ce petit rien qui ressort le temps d’une seconde.
Jeu de Dames est une plongée dans les années cinquante, un mélo qui sait nous appâter en sous-entendant une intrigue supplémentaire, voire même complémentaire, qui nous sera révélée dans le second tome de ce diptyque riches en amours impossibles. Dénouement tragiques ou happy end, qui pourrait le deviner ?
Rencontre dramatique entre Zéda et Hugo
48 pages - 13,90€
Galerie photos
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