...Is the soul machine

Comme son ancien groupe Goodie Mob dans les années 90, Cee-Lo aurait pu rester longtemps dans l’ombre des géants d’Atlanta, Outkast, avec qui il a souvent collaboré au sein du collectif Dungeon Family. Son premier album solo, And his perfect imperfections, était bien trop barré pour profiter des horizons ouverts par le succès de Stankonia, l’album phare du duo. Bien que fils de prêcheurs, l’homme n’était pas décidé à prêcher pour sa seule petite paroisse et accepte donc la seconde chance offerte par le boss d’Arista, Antonio "La" Reid. Avec, à la clé, les collaborations de producteurs prestigieux, du mythique DJ Premier (Gangstarr) à Timbaland, en passant par les Neptunes, qui ne se sont pas moqués de lui en lui offrant avec Art of noise un single irrésistible.

Le morceau a beau être taillé pour les clubs et les charts R&B, comme de nombreux autres titres de ...Is the soul machine (en particulier le old school The one), il ne trahit pas la personnalité haute en couleur de Cee-Lo. Doté d’une voix de vieux soulman comme on n’en fait plus, au point de se prendre pour Al Green sur Let’s stay together, le rappeur-chanteur apporte un nouveau souffle truculent à un genre encore trop cloisonné.

Brouillé avec les étiquettes, Cee-Lo ne se réclame que d’un style : le festif "Dirty South" inauguré par les Floridiens de 2 Live Crew ou les un peu oubliés Arrested Development (remis à l’honneur sur un My kind of people alangui). Comme le Seine-Saint-Denis Style de NTM, le Dirty South Style se reconnaît au débit, et la démonstration de force de Cee-Lo laisse sans voix, notamment sur le surréaliste Childz playz et son rythme impossible. Le chanteur qui se déclare capable "de rapper sur n’importe qui avec la langue attachée" peut s’attaquer avec succès aux missions impossibles : ressusciter l’acid-jazz sur All day love affair ou égaler Jay-Z quand il s’agit de régler ses comptes (avec ses anciens acolytes de Goodie Mob) sur le minimaliste et tendu Glockapella.

...Is the soul machine contient encore de nombreuses surprises, et aussi des classiques en devenir, tel l’audacieux Evening news et son atmosphère tourmentée, œuvre de DJ Premier. A l’opposé du passéisme des embaumeurs Maxwell ou Joss Stone, une preuve de plus que la soul est bien vivante, avec de beaux jours devant elle.