Le 25 octobre 2019
- Réalisateur : Juris Kursietis
- Unifrance.org
Comment vous est venu un pareil sujet ?
Juris Kursietis : D’abord, il s’agit d’une histoire vraie. En 2013, alors que je filmais mes premières prises, Modris, un journaliste que je connais, m’a envoyé l’interview avec un garçon qui a vécu ce type d’expérience. Le journaliste m’a suggéré que cela pourrait être un sujet très intéressant pour un film. Et en effet, ça l’était. Ainsi, en 2015, avec mon directeur de la photographie, Bogumil Godfrejow, nous sommes partis pour un voyage de recherche en Belgique, où nous avons rencontré des Lettons travaillant dans des usines de viande. En visitant leurs lieux de vie, en échangeant avec eux et en racontant cette histoire dont nous avions eu connaissance dans l’interview quelques années auparavant, j’ai eu la confirmation que de pareilles choses se produisent et qu’il ne s’agissait pas d’un accident isolé. C’est ainsi que le processus de scénario a commencé, avec cette interview comme point de démarrage et cette recherche dans les abattoirs, en 2015.
Vous avez le regard d’un ethnologue ou d’un sociologue. Comment êtes-vous parvenu à vous approprier ce mode de vie très difficile des populations clandestines en Belgique ?
JK : Pour moi, quand j’ai décidé de faire ce film, c’était une bonne raison de le faire. Je crois que le cinéma n’est pas qu’un loisir. Je pense que le cinéma peut jouer aussi un rôle social. On pourrait appeler cela la fonction éducative du cinéma, moi je préfère l’appeler la nourriture du cerveau. C’est juste comme la musique, il y a la pop pour le plaisir, et le classique pour l’esprit. Ainsi, quand je choisis mes sujets de film, je cherche quelles sortes de d’objectifs ils peuvent servir et comment cela peut aider la société à évoluer et à s’améliorer. Mes films sont une analyse d’un état de la société et c’est ce qui justifie mon besoin de faire des films.
La réussite du film vient, entre autre, de la performance exceptionnelle des acteurs, et en particulier de celui qui joue Oleg. Le jeune homme semble totalement en phase avec son personnage. Comment s’est faite la rencontre avec le comédien ? Et comment avez-vous travaillé avec lui pour assumer un rôle aussi dur et violent ?
JK : L’étape du casting est assez standardisée. Nous avons envoyé quelques scènes à une agence de casting en Ukraine et dans les états baltes. Comme nous avions besoin que la langue maternelle de l’acteur principal soit le russe, je n’avais pas vraiment le choix dans des comédiens lettons. J’ai commencé par recevoir sur YouTube des liens avec des démonstrations d’acteurs, et celle de Valentin Novopolski m’est arrivée de cette façon. J’ai été littéralement scotché à l’écran, car il avait une telle présence ! Je l’ai invité à Riga, où nous avons appris à nous connaître et voilà, il avait le rôle. C’était dix-huit mois avant le tournage. Alors, jusqu’au tournage, nous avons beaucoup parlé du personnage, de son monde intérieur, de son passé et de la raison pour laquelle il apparaît qu’il est. Quelques mois avant le tournage, nous avons eu des séances d’improvisation avec les acteurs principaux et nous avons expérimenté plusieurs méthodes, pour mieux comprendre la relation qui les unit. Ainsi, lorsque nous sommes arrivés sur le plateau, nous savions bien ce que nous voulions faire et où nous pouvions aussi improviser avec de nombreuses scènes, tout en sachant comment le personnage réagirait.
Le jeune comédien est un jeune letton absolument bouleversant. Comment se remet-on d’une telle expérience quand soi-même on est letton.
JK : Une chose absolument merveilleuse, c’est quand un spectateur peut réfléchir après un film comme celui-ci. Je pense que ce serait la meilleure façon de s’en sortir. De voir le monde qui vous entoure et de réfléchir à ses actions et à ses réactions face aux conflits au sein de la société. Je veux que les gens pensent, parce que c’est ce qui nous rend humains.
La prière et la foi sur lesquelles repose Oleg semblent être le seul moyen pour lui de se sortir de ce destin tragique. C’est un point de vue très controversé. Quelle est votre analyse de ce rapport à la spiritualité que le jeune homme entretient ?
JK : Pour moi, il était important de se rapprocher le plus possible de mon personnage. Je voulais entrer dans sa tête et la dimension spirituelle était un outil pour le faire. Je pense qu’Oleg utilise également la religion comme un moyen pour réfléchir à ce qui se passe et faire le point, s’il est disposé à continuer comme cela. Il ne s’agit pas d’un récit d’une échappatoire par la religion, mais de la quête d’une personne dans un univers non matériel, car lorsque l’on se trouve dans des situations difficiles sans issue claire, très souvent, les humains y trouvent des réponses. C’est comme si l’on se disait qu’en tant qu’êtres humains, nous serions tous issus d’un même endroit, quel qu’il soit. Et quand on le comprend, cela nous aide à aller de l’avant, à mieux comprendre notre place dans le monde.
Avez-vous subi des pressions par la police ou les autorités lettones en matière de censure ?
JK : ll n’y a rien eu de de tel en Lettonie. Par contre, l’Institut du Film Polonais nous a refusé le financement, alors même que nous avions un intérêt pour la Pologne très fort dans l’histoire et une équipe polonaise avec nous. Ce rejet polonais pour moi a été ressenti comme une véritable censure. Heureusement, les acteurs imaginatifs et l’équipe polonaise étaient déterminés à aller au bout de cette histoire. Ils ont compris qu’il s’agissait de quelque chose de plus profond que le simple fait que les Polonais soient représentés comme mauvais dans l’histoire.
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