Le 27 septembre 2021
- Plus d'informations : Le site du Festival
Philippe Bachman, fondateur et président du Festival War on Screen (WoS), qui traite du rapport entre le cinéma et le conflit, nous explique son principe, ses objectifs, et son futur. La 9e édition du Festival ouvre ses portes à Châlon-en-Champagne le 29 septembre.
AVoir-ALire : Le Festival a été crée par vous en 2013, et offre une réflexion sur le conflit et ses conséquences. Qu’est ce qui a motivé la création du Festival ?
Philippe Bachman (PB) : Tout d’abord, un petit point. Il n’offre pas une réflexion sur le conflit, mais bien sur le cinéma et le conflit. C’est tout l’enjeu, car c’est un Festival de cinéma, là où cela aurait pu être un Festival d’Histoire ou de géopolitique. J’insiste.
Tout est parti d’un constat. Des collectivités locales souhaitaient créer un événement qui ressemblait au territoire, qui s’appuyait sur ce qu’est le territoire, qui parlait au territoire. Le territoire, c’est l’Est de la France, la Marne notamment. Depuis fort longtemps, il a été marqué par les conflits. On pense bien sûr à la Première Guerre mondiale, mais il y en avait bien avant. La réalité, par rapport a territoire, peut être assez stigmatisante, et nous nous sommes dit que nous allions transformer quelque chose d’un peu stigmatisant en une force, une réflexion, quelque chose de moteur et positif. L’autre constat était que curieusement, il n’existait aucun festival dans le monde traitant de la relation entre le conflit et le cinéma ! Curieux, car c’est une part de la production importante, surtout dans l’acception qu’on a, qui n’est pas le film de guerre, mais beaucoup plus large. On pourrait se dire qu’un film sur cinq qui sort est en connexion avec le conflit. Nous avons donc pensé qu’il était possible d’être novateurs. Nous avons donc créél’événement, en lien avec son territoire et son histoire.
AVoir-ALire : Quand vous parlez de conflit, vous le pensez donc au sens large ? Car le public pourrait vite s’imaginer « film de guerre ».
PB : C’est conflit au sens large, mais pas non plus conflit au sein du couple ! En réalité, dans les œuvres présentés, le conflit ou les guerres peuvent être extrêmement loin dans la thématique. L’œuvre peut se dérouler avant, après une guerre par exemple. Mais le conflit peut avoir un impact sur les personnages, sur leur destin, le destin de leurs enfants, petits-enfants, parfois arrière-petits-enfants ! Les approches cinématographiques sont très larges. On peut avoir de la comédie, du documentaire, du film social, etc.
AVoir-ALire : Je voulais justement aborder avec vous la diversité des œuvres proposées. On n’a pas que des longs-métrages, pas que de la fiction. Qu’est ce que vous proposez plus largement ?
AVoir-ALire : Il n’y a aucune limite sur les formats, sur les supports, du moment qu’un regard artistique est posé sur une problématique qui nous concerne. Cela laiss bien sûr une diversité gigantesque. Nous avons régulièrement des films d’animation par exemple.
AVoir-ALire : A WoS, il n’y a pas que des projections. Il y a aussi des événements autour. Vous pourriez nous en dire plus ?
PB : Nous avons par exemple des invités d’honneur. Cette année, nous avons choisi d’avoir Michel Portal, qui est un immense compositeur, surtout connu pour ses activités dans le monde du jazz. Mais il est aussi un grand compositeur pour l’image. Il a composé plus de soixante musiques de films. Hasard ou pas, il a reçu trois césars, et les trois films concernés traitent du conflit !
AVoir-ALire : Il se devait d’être là !
PB : Exactement ! Parfois c’est en creux. Nous avons par exemple eu Bertrand Blier, qui n’a jamais fait de film sur le conflit en tant que tel. Pourtant, son premier film s’intitule Hitler, connais pas (ndlr : documentaire de 1963) ! Pour revenir à Portal, sa venue génère un concert. Il va parler en musique de sa relation au cinéma. Nous avons beaucoup d’ateliers, des projections hors les murs, le ciné-piscine…
AVoir-ALire : Je n’avais pas vu le ciné-piscine ? C’est ce que j’imagine ?
PB : Cela se fait de plus en plus ! C’est un moment partagé en famille, où on va voir un film tout en étant dans une piscine !
AVoir-ALire : Il faudra essayer ! Mais on a également des masterclass, des expositions ?
PB : Oui, nous avons par exemple une grande exposition Raymond Depardon. Il a traversé pas mal de conflits, et une partie un peu méconnue de son parcours personnel est son activité de photographe au sein du service d’image des armées. C’est dans l’exposition qui sera dévoilée.
AVoir-ALire : Cela nous amène à parler des évolutions qui ont eu lieu au cours des neuf années d’existence du Festival. Vous en avez apporté des majeures ? Vous avez appris de certaines éditions pour changer les choses ?
PB : Absolument. Nous avons-nous-même appris à apprivoiser la thématique, qui est devenue de plus en plus large. Par exemple, nous avons beaucoup de matière sur l’environnement et le climat, thématique fondamentale. Elle génère et a toujours généré des conflits. Nous avons aussi une autre évolution intéressante, sur la production française, de plus en plus importante, plus qu’il y a dix ans. Nous avons par exemple le premier film de Sandrine Kiberlain : une très belle histoire, celle d’une jeune fille qui par la pratique du théâtre va en partie s’échapper de son quotidien. Il y a aussi plus de cinéma d’animation qu’avant.
D’habitude, nous avons deux compétitions, pour environ vingt, vingt-cinq films, et les autres films sont des rétrospectives sur des thématiques précises. Cette année, nous avons décidé de faire une autre sélection des films de l’année. Donc on a quarante films de l’année, ce qui est énorme, et illustre le fait qu’on a de plus en plus de réalisateurs et réalisatrices qui portent un regard sur le monde d’aujourd’hui, d’hier, ou de demain ! Ils peuvent aussi anticiper ce qui se passera.
AVoir-ALire : Vous mettez en avant le soutien à la création. Quel est le rôle du WoS Fabrique ?
PB : Nous l’avons créé car nous souhaitions que de jeunes réalisatrices et réalisateurs, productrices et producteurs, puissent être stimulés. Donc nous nous sommes associés à plusieurs institutions en Europe, quatre aujourd’hui. La FEMIS en France, la Filmuniversität Babelsberg Konrad Wolf en Allemagne, L’école de Lodz en Pologne, l’ECAM à Madrid. Non pas pour aider des étudiants, mais plutôt des jeunes professionnels issus de ces écoles et les amener à réfléchir et proposer des projets de manière très ouverte, de courts-métrages de fictions sur nos thématiques. C’est un programme soutenu par beaucoup de partenaires. Nous allons les accompagner dans l’écriture de leur scénario, avec Manele Labidi dont nous avons vu récemment Un divan à Tunis. Elle les accompagne pendant deux résidences d’écriture et de production, à l’issue desquelles nous choisissons quatre films que nous accompagnons en production avec nos partenaires.
Cette année nous allons présenter le premier d’entre eux, qui s’appelle J’avais un camarade de Janloup Bernard.
AVoir-ALire : Et comment s’opère la sélection des films chez vous ?
PB : Il y a un collectif que je dirige. Nous sommes cinq. Nous allons sur certains marchés, Cannes par exemple, Clermont-Ferrand pour les courts. Il y a des films qu’on va chercher, d’autres qui viennent nous chercher. Il y a toujours dix longs-métrages en compétition pour environ deux cents à trois cents vues. C’est à peu près pareil pour les courts.
AVoir-ALire : Sur les neuf années qui viennent de s’écouler, il y a des carrières de films qui ont changé avec le Festival ?
PB : Oui, quelques perles que nous avons découvertes. Par exemple, lors de la deuxième ou troisième édition, il y a eu Tangerines (Zaza Urushadze, 2013), ce film estonien et géorgien. Il a été pré-sélectionné aux Oscars. Je pense aussi à un autre film dont nous avons fait la version française. En effet, on ne peut pas mettre de sous-titres pour un film en VR (Réalité Virtuelle), donc à 360°. Le film s’appelle Collisions de Lynette Wallworth. Il a obtenu l’Emmy Award du meilleur documentaire expérimental. Il a eu sa récompense le jour où nous le présentions au Festival ! Quelques très belles histoires à l’international donc !
AVoir-ALire : Un dernier mot pour nos lecteurs ?
PB : Je vais dire que voir un film en salles est merveilleux, avec toute sa diversité de propos. Le cinéma est plus fort que la guerre, et c’est un formidable promoteur de paix, pour mieux se comprendre les uns les autres !
- Par Pierre-Louis Sélénites
Galerie photos
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