Le 17 septembre 2020
- Réalisateur : Perrine Michel
- Date de sortie : 14 octobre 2020
A l’occasion de la sortie de son film magnifique Les équilibristes le 14 octobre prochain, Perrine Michel nous a accordé une interview exclusive.
Vous signez un film à la fois âpre et lumineux, qui plaide en faveur d’une fin de vie digne. Comment la temporalité de votre propre expérience avec votre maman et celle du projet du film en elle-même se sont accordées ?
Le projet de départ était de faire un film dans un service de soins palliatifs, uniquement du côté de l’équipe soignante. Cela faisait un an environ que je travaillais à l’écriture du film, quand ma mère est tombée gravement malade d’un cancer. J’ai alors immédiatement enregistré des sons et des images en lien avec son accompagnement, "au cas où". Mais il a fallu que j’attende deux ans après son décès pour parvenir à réécouter les sons. Alors une évidence est apparue, je devais intégrer l’histoire de ma mère, prise en charge en soins palliatifs, dans ce film. Il a fallu que je m’autorise à le faire. C’était très risqué, mais je n’aurais pas pu faire autrement. Ce film tente de rendre compte de cette expérience ineffable...
Les patients n’apparaissent jamais et vous donnez la part belle aux soignants. Comment les équipes ont-elles vécu le film dans cette période difficile que vivent les hôpitaux en matière budgétaire ?
Une partie de l’équipe filmée a vu le film, les retours étaient enthousiastes. Il a aussi été montré lors de la journée mondiale des soins palliatifs devant des professionnels qui m’ont dit qu’ils n’avaient jamais rien vu qui parle aussi bien de leur travail, au travers d’une forme artistique. Mais nous n’avons pas évoqué la crise actuelle que traversent les hôpitaux. Il faudrait leur demander. Jusqu’à présent, les services de soins palliatifs étaient mieux lotis que d’autres : davantage de personnel, des bénévoles actifs, pour de petits services.
La force de votre film vient du rapport ténu entre les corps malades qui quittent la vie et ceux des comédiens qui forcent au contraire leur vitalité pour un spectacle. Ce spectacle vivant a t-il été montré en réalité sur une scène de théâtre ? Et le cas échéant, le lien avec le film a-t-il été explicité aux spectateurs ?
Les personnes malades n’apparaissent jamais physiquement dans le film, ils existent à travers les accompagnants qui parlent d’eux. Les "mouvementistes" incarnent une danse improvisée dirigée, où l’on peut se projeter dans ma mère, ma sœur, mon frère et moi. Ces scènes ont été tournées spécialement pour le film, et ne sont pas "exportables" pour du spectacle vivant. Dans le film, on voit le montage du décor, une boîte aux quatre côtés noirs, pour que la caméra puisse tourner à 360° autour et avec les "mouvementistes". J’ai toujours voulu faire un film très "vivant", la danse en est l’expression la plus immédiate.
Vous-même êtes partie prenante de ce récit douloureux. Vous semblez à la fois grandie et fragilisée par cette expérience. Quel a été l’effet du tournage pour vous et votre famille ?
Grandie et fragilisée ? Là, vous ne parlez pas de moi ! Mais de ce que vous projetez sur mon personnage, que j’ai créé, modelé et mis en scène. Je fais de l’autofiction, je crée des personnages et des histoires à partir d’expériences vécues, qui sont transmissibles par le prisme de cinéma. D’ailleurs, au montage, on ne parlait jamais de "ma mère", encore moins de "ma maman", mais de "LA mère". Pour une mise à distance, et intégrer dans son personnage de l’universel. Ce que le film m’a apporté, et les réactions de ma famille, c’est au spectateur de les imaginer.
Merci
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