Le 17 octobre 2007
La tendance est politique. Vous n’y couperez pas. Alors assumez les maux de ce monde et allez vous amuser des dérives de notre système grâce à un Hollywood bienveillant qui rêve déjà d’un autre monde et d’une victoire démocrate.
La tendance est politique. Vous n’y couperez pas. Alors assumez les maux de ce monde et allez vous amuser des dérives de notre système grâce à un Hollywood bienveillant qui rêve déjà d’un autre monde et d’une victoire démocrate.
L’Amérique ne tourne pas toujours dans le bon sens et malgré l’opposition internationale s’obstine à se fourvoyer dans une politique extérieure et écolo assez discutable. Pourtant, ne donnons pas dans l’antiaméricanisme primaire, cette Amérique-là n’est pas à visage unique. En son sein veille une branche plus à gauche (pas à l’image de la nôtre, faut pas exagérer non plus, on ne se montrerait jamais avec des cocos là-bas et les socialos n’ont vraiment pas bonne presse), plus encline à contester les dérives du pouvoir égocentrique de Bush dont la seule réussite de ces dernières années a consisté à enrichir quelques industriels dans le copinage le plus éhonté qui soit. On ne va pas blâmer les électeurs d’outre-Atlantique d’avoir cédé à la politique de la peur de l’implacable Texan, on a vu la même chose se passer pas très loin de chez nous avec un aveuglement qui nous laisse encore pantois. Si, si, regardez bien qui fait encore la une cette semaine !.
Heureusement, pourfendeur des droits de l’homme et du bon ordre social, le cinéma veille et se fait l’écho de cette vague de contestation à travers une série de pamphlets, qui comme par hasard ont souvent été d’amères déceptions au box-office. Le cinéma politique est revenu. De loin. Prospère à la grande heure de Jane Fonda (la Préhistoire en quelque sorte) dans les années 70 alors que l’on sortait à peine du trauma du Vietnam. Boiteux dans les années 80, décennie des Yankees où Hollywood semblait plus fascinée par la couleur de l’argent que par les coulisses du pouvoir. Exsangue dans les années 90 où l’on se préoccupait plus de la braguette du président que de son programme politique (ah, tous ces bons nanars à cent millions de dollars dans lesquels le gentil président, affable de sa personne, exhibait sa chevelure poivre - je sens soudainement que mon repas ne passe pas !) Il revient à la charge dans les années 2000 alors que s’ouvre l’impitoyable guerre contre le terrorisme et que le fiston Bush essaie de se la jouer justicier des temps nouveaux.
L’industrie cinématographique américaine se découvre alors une vraie conscience de gauche, qui, si elle n’étonne guère de la part de ses comédiens (Susan Sarandon, Sean Penn, Clooney...) s’avère plus surprenante de la part des studios qui s’engagent dans un genre pas très porteur auprès du grand public, notamment celui du terroir pas toujours disposé à remettre en question les mensonges qu’on lui sert quotidiennement dans les médias. Hollywood accepte alors de produire une flopée de documentaires au succès sans précédant mettant à mal tous les niveaux du pouvoir (Fahrenheit 9/11 en est le plus célèbre, mais qui se souvient encore de celui sur le gouverneur Schwarzenegger ?) mais également des fictions abordant frontalement les conséquences de la guerre du Golf (Jarhead, le maccarthysme Good night and good luck, les ventes d’armes crapuleuses (Lord of war). Bref, la dénonciation et le cynisme sont désormais de rigueur.
Cette semaine, c’est Michael Clayton qui a la lourde charge de faire réfléchir ses spectateurs sur les dérives du système en s’attaquant à une firme agroalimentaire sans foi ni loi. La présence de George Clooney n’étonne pas ; le comédien a été rattaché à de nombreux brûlots contestant la radicalité de leur époque ( Syriana et l’emprise des magnats du pétrole par exemple). Bientôt, en novembre, cela sera Tom Cruise qui changera radicalement de registre dans le dernier long de Robert Redford, un drame politique sur la guerre en Afghanistan, Lions et des agneaux . L’occasion pour la superstar polémique de changer d’image à un âge (45 ans) où il ne peut plus se permettre n’importe quelle frivolité. Bref, Hollywood s’en va-t-en guerre, Démocrate jusqu’au bout et sûrement malgré elle, enrôlant ses plus grands noms, malgré la pression des lobbies et les tensions autour des budgets. Tout cela finalement n’est pas très commercial comparé à un Transformers et les risques sont élevés, mais ce contre-pouvoir existe, persiste et combat dans des œuvres accessibles à tous, alliant spectacle et intelligence des propos, au cœur d’une nation déchirée qui pense déjà à la reconstruction de l’après-Bush. Une bonne leçon en tout cas pour l’Europe et notamment pour la France où le cinéma politique est d’une timidité navrante, révélatrice de l’emprise du pouvoir sur le 7e art, notamment à travers le diktat des chaînes de télé, investisseurs de poids dans les productions cinématographiques et alliées bienveillantes de l’exécutif - Rachida Dati, Garde des Sceaux, qui se pavane toute une après-midi chez Drucker sans que l’opinion publique ne s’offusque de sa présence déplacée, cela ne vous choque pas ? Et bien nous si !
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