Le 23 avril 2025
Une entreprise de démythification de la mafia, élégiaque et vaguement scorsesienne, hélas grevé par de mauvais choix créatifs. Reste un Robert De Niro au carré, qui semble beaucoup s’amuser.


- Réalisateur : Barry Levinson
- Acteurs : Robert De Niro, Cosmo Jarvis, Debra Messing, Kathrine Narducci, Belmont Cameli
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Biopic
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h00mn
- Titre original : The Alto Knights
- Date de sortie : 19 mars 2025

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Résumé : Deux des plus redoutables figures de la mafia new-yorkaise, Frank Costello et Vito Genovese, luttent pour le contrôle de la ville. Autrefois meilleurs amis, ils sont conduits à un affrontement après la jalousie et la trahison, ce qui entraînera la chute de la mafia américaine.
Critique : On ferme ! Tout dans The Alto Knights fleure bon la fin de règne, l’ultime tour de piste, les adieux d’un clown – lourdement – maquillé à un genre auquel il a tant donné. Si, contrairement à la légende urbaine, Molière n’est pas mort sur scène (mais bien à son domicile parisien), Robert De Niro passera peut-être le Glock à gauche en interprétant un énième malfrat italo-américain. Et même ici plutôt deux fois qu’une : non content d’interpréter Frank Costello, le capo dei tutti capi (chef des chefs) de la mafia au mitan du XXe siècle qui inspirera à Mario Puzo son fameux Don Corleone, il endosse aussi le rôle de Vito Genovese, autre parrain avec qui Costello entrera en bisbille…
Si cette idée du rôle double, un peu arbitraire, laisse dans la bouche un arrière-goût de coup marketing, il demeure assez fascinant de voir le grand Bob se donner la réplique à lui-même et invoquer pour ces performances les mânes de ses rôles marquants d’hier – qu’il s’agisse de Travis Bickle et Al Capone (pour le chien fou Genovese) ou de Noodles Aaronson et Ace Rothstein (pour le taiseux Costello). Même si cela finit presque par se retourner contre le film : grimé comme cela, et avec sa voix volontairement fluette, le Genovese de De Niro finit par ressembler à s’y méprendre à son collègue Joe Pesci. N’était-il pas plus simple, alors, de proposer le rôle au vrai Pesci ?
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The Alto Knights est un film aride, anti-spectaculaire au possible, qui vient parachever l’œuvre de puissante démythification de la Cosa Nostra déjà entamée – avec plus de brio, faut-il le préciser – par Scorsese dans Les Affranchis et The Irishman. Finies, les envolées lyrico-sanglantes du Parrain : ne reste plus que des vieillards perclus et goitreux, se prenant le bec ou évoquant le bon vieux temps dans l’arrière-boutique d’un barbershop ou – tout un symbole – d’un salon funéraire. Une dernière tournée avant la mise en bière, pas totalement dénuée d’humour : comme le montre Barry Levinson (lui-même vieux briscard revenu de presque tout), le mafioso moyen est au fond un petit vieux comme un autre, qui vitupère contre la musique « de jeunes » (dans les années 60, c’était Little Richard) devant sa télé…
Avec un tel programme de réjouissances, pas étonnant que le long-métrage ait méchamment mordu la poussière au box-office – échec qui vient confirmer le peu d’intérêt que le public contemporain porte au film de mafia. Désormais, c’est plutôt quand ils louchent du côté d’une blaxploitation 2.0 que les margoulins arrivent à se pérenniser, comme en atteste le succès renouvelé des séries télévisées Snowfall, Godfather of Harlem ou Black Mafia Family, toutes descendantes d’American Gangster de Ridley Scott. Non, ce pays n’est plus pour le vieil homme.