Le sang de son père
Le 11 décembre 2011
Entre roman-feuilleton et drame symboliste ce film écrit par le jeune Fritz Lang réussit à intriguer et témoigne du réel talent de Joe May, cinéaste souvent réduit au rang d’habile faiseur.
- Réalisateur : Joe May
- Acteurs : Mia May, Georg John, Bruno Kastner, Ernst Matray, Hans Mierendorff
- Genre : Drame, Fantastique, Film muet
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h06mn
- Titre original : Hilde Warren und der Tod
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– Sortie en Allemagne : 31 août 1917
Entre roman-feuilleton et drame symboliste, ce film écrit par le jeune Fritz Lang réussit à intriguer et témoigne du réel talent de Joe May, cinéaste souvent réduit au rang d’habile faiseur.
L’argument : Hilde Waren est une actrice célèbre. Alors qu’elle répète une pièce dans laquelle apparaît la Mort personnifiée, elle déclare que l’idée d’invoquer la mort pour être libérée des tourments de la vie est pour elle inconcevable.
Après avoir refusé la demande en mariage d’un vieux soupirant pour ne pas renoncer à la scène elle épouse sur un coup de tête le séduisant Hector Roger. Or celui-ci se révèle être un escroc et un meurtrier. Il est abattu sous les yeux d’Hilde par la police.
Pressentant que le fils qu’elle attend de lui ne pourra échapper à l’atavisme paternel, elle décide néanmoins de se consacrer entièrement à son éducation.
Notre avis : Le nom de Joe May (né Joseph ou Julius Otto Mandel), célèbre réalisateur et producteur austro-allemand à partir de 1912, est lié avant tout à une série de Monumentalfilme aux titres évocateurs tels que Veritas vincit (1918), Die Herrin der Welt - la maîtresse du Monde (1919, en huit parties) ou encore Das Indische Grabmal - Le tombeau hindou (1921, en deux volets).
Mia May (alias Hermine Pfleger), l’épouse du cinéaste, est la vedette de toutes ces bandes qui semblent avoir connu un succès phénoménal. C’est pour elle aussi qu’est conçu ce Hilde Warren und der Tod, antérieur aux titres cités et qu’on peut rattacher au genre du film de diva, même si la solide Mia May n’a pas l’aura d’une Asta Nielsen, d’une Lyda Borelli ou d’une Pina Menicchelli.
Hilde Warren und der Tod - Mia May - Georg JohnLe scénario signé Fritz Lang, découvert par May et dont c’est un des tous premiers travaux pour le cinéma, a la rigueur implacable et un brin simpliste d’une démonstration : les coups du sort programmés amèneront immanquablement l’héroïne à s’abandonner dans les bras de cette mort libératrice qu’elle ne cesse pourtant de repousser tout au long du film.
On est bien sûr en plein roman de gare version dix-neuvième siècle et les thèmes de la prédestination et de l’atavisme génétique (le sang du père qui coule dans les veines du fils fera de celui-ci un meurtrier à son tour) donnent à l’ensemble un côté franchement daté qui n’est d’ailleurs pas sans charme.
Le film oscille entre le feuilleton populaire et un symbolisme qui évite cependant la grandiloquence. L’incarnation de la Mort est confiée à l’acteur de théâtre Georg John (Jacobsohn). Il deviendra un spécialiste des compositions hallucinées. Mime et Alberich dans Les Nibelungen ou le mendiant aveugle qui reconnaît M - Le Maudit figurent parmi les plus mémorables. Il étonne ici en Mort compatissante étrangement androgyne dont le masque blafard n’est qu’insondable tristesse. C’est clairement une image mentale de Hilde qui emprunte son apparence à la pièce de théâtre dont on voit les répétitions au début du film (plutôt la Mort de Hilde que la Mort dans l’absolu donc).
Hilde Warren und der Tod - Mia May - Hans Matray Mais le halo fantastique et le romantisme quelque peu morbide de ces apparitions fantasmées sont contrebalancés dans le film par la relative sobriété du jeu des acteurs et le réalisme des décors : lumineux extérieurs filmés dans les rues de Berlin ou au bord d’un lac (Curt Courant à la caméra), vastes intérieurs dans lesquels les déplacements des personnages dessinent une élégante chorégraphie.
La mise en scène, ferme et efficace, révèle mieux qu’un métier sûr. May se garde de surligner ses effets, laissant flotter dans ses plans un soupçon d’indécidable dont sourd une véritable étrangeté. Ce cinéaste, généralement considéré comme un habile faiseur à l’instinct commercial infaillible, se révèle ici réellement inspiré.
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