Faust Liberty
Le 22 octobre 2010
Cette variation sur le thème de Faust est un hymne inspiré à la diva Lyda Borelli par un cinéaste esthète qui allait mourir au front à 28 ans.
- Réalisateur : Nino Oxilia
- Acteurs : Lyda Borelli, Andrea Habay (André Habay), Ugo Bazzini, Giovanni Cini
- Genre : Drame, Film muet
- Nationalité : Italien
- Durée : 45mn (version restaurée)
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– Tourné en 1914
Cette variation sur le thème de Faust est un hymne inspiré à la diva Lyda Borelli par un cinéaste esthète qui allait mourir au front à 28 ans.
L’argument : Alba d’Oltrevita est une vieille comtesse qui, suite à une douloureuse aventure de jeunesse, vit désespérée et seule. Un jour, le diable lui propose de lui rendre ses vingt ans, à la seule condition qu’elle refuse l’amour. Aveuglée par l’illusion de la jeunesse, elle accepte et se retrouve courtisée par deux frères qui tombent fous amoureux d’elle...
Notre avis : Tourné en 1914 mais sorti seulement le 1er juillet 1917, Rapsodia satanica est un des plus beaux fleurons d’un genre que le foisonnant cinéma italien des années 1910 a créé et cultivé intensément : le film de Diva.
Lyda Borelli (1884-1959), fameuse actrice de théâtre, interprète entre autres de la Salomé d’Oscar Wilde, donna le coup d’envoi en 1913 avec Ma l’amor mio non muore de Mario Caserini et suscita, jusqu’à sa retraite prématurée en 1918, un phénomène d’engouement et de fièvre mimétique qu’on appela tout simplement le borellisme, ses innombrables admiratrices adoptant dans la vie courante ses attitudes inspirées et sa gestuelle expressive.
Les générations suivantes se moquèrent volontiers de l’affectation et de la théâtralité exacerbée de son jeu, en se basant le plus souvent sur des photos ou de brefs extraits de copies en mauvais état projetées à une vitesse inadéquate (24 images seconde au lieu de 16, 18 ou 20 selon les cas).
Lorsqu’on revoit aujourd’hui ses films dans de bonnes conditions, on constate que son jeu, plus daté que celui de sa grande rivale Francesca Bertini ou de certaines autres, fascine toujours par une intensité relevant presque de l’état de transe et une stylisation qui l’apparente à la danse.
Le luxueux tableau historique de Madame Tallien d’Enrico Guazzoni ou la mélancolie morbide de Malombra de Carmine Gallone sont de superbes écrins pour cet art proche de la pantomime, mais restent relativement sages.
Comment ne pas être stupéfait par contre à la vision des fleurs liberty vénéneuses et proliférantes que sont Carnavalesca d’Amleto Palermi ou cette Rhapsodie Satanique inspirée du thème de Faust, opulente production de la Cines de Rome où la débauche de décors et de costumes somptueux s’harmonise avec de magnifiques extérieurs tournés à la Villa d’Este de Tivoli.
Le pacte qu’Alba d’Oltrevita (Aube d’Outre-vie tout un programme !) scelle avec Méphisto (Ugo Bazzini), gargouille en robe pourpre surgie d’un tableau accroché au mur, lui permet un retour narcissique à la jeunesse et à la beauté (forcément fatale) qui donne lieu à toute une série de variations brillantes sur le thème du miroir et de l’apparence.
Habité d’une véritable fièvre esthétisante, le jeune et brillant cinéaste (et dramaturge) Nino Oxilia, né en 1889 et mort au front en 1917, s’ingénie à installer la diva dans des compositions complexes et raffinées, mais toujours parcourues du frémissement de la vie, la plus fameuse étant celle d’Alba soulevant ses voiles agités par le vent, comme prête à s’envoler.
Mais plus étonnants encore sont les plans d’ensemble tel celui où la figure au premier plan se détache sur une vaste pelouse en contrebas où dansent des jeunes filles en robe blanche. L’influence de la peinture, et en particulier de l’oeuvre de Boccioni, est clairement revendiquée.
L’utilisation de la couleur, admirablement restituée grâce au superbe travail effectué par l’Imagine ritrovata de Bologne, est d’ailleurs un élément primordial dans l’esthétique du film et contribue fortement à son impact : le jaune intense d’un papillon en très gros plan se communiquant à la vitre qui réfléchit la lumière du soir produit l’une des images les plus inoubliables et les plus significatives de cet étonnant poème visuel où tout est métamorphose et contamination permanente. La diva elle-même est la fleur tropicale, terrifiante et fragile, que produit cette irrépressible poussée de sève dans une serre surchauffée.
Cette explosion de vitalité brise le carcan de la société et de sa morale, et la diva scandaleuse est aussi une combattante de la cause de l’émancipation des femmes.
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