La princesse au music hall
Le 26 août 2014
Francesca Bertini, diva par excellence, dans un mélodrame fait sur mesure où se déploie l’art raffiné de la mise en scène du génial Nino Oxilia, météore disparu à l’âge de 28 ans.
- Réalisateur : Nino Oxilia
- Acteurs : Andrea Habay (André Habay), Francesca Bertini, Fulvia Perini, Amedeo Ciaffi, Angelo Gallina, Anna Cipriani, Elvira Radaelli
- Genre : Drame, Mélodrame
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h05
- Plus d'informations : http://cinestore.cinetecadibologna....
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– Visa de censure : 1/8/1914
– Restauré par EYE (1991 - 2000) à partir d’une copie de la collection Desmet.
Francesca Bertini, diva par excellence, dans un mélodrame fait sur mesure où se déploie l’art raffiné de la mise en scène du génial Nino Oxilia, météore disparu à l’âge de 28 ans.
L’argument : La princesse de Monte Cabello se rend compte que son mari a une liaison avec la comtesse de La Croix. Le prince convainc sa femme d’accepter le divorce mais doit lui laisser la garde de leur fille.
La comtesse engage alors des détectives chargés de rapporter des clichés compromettants montrant la princesse en compagnie de l’acteur Jacques Wilson.
Lorsqu’on lui retire sa fille, la princesse, désespérée, accepte de suivre à Monte Carlo l’acteur qui la courtisait en vain jusque là.
Bientôt, criblé de dettes de jeu, il veut la forcer à se produire sur scène. Elle s’enfuit.
Notre avis : Parfait exemple du film de diva lancé l’année précédente par Ma l’amor mio non muore de Mario Caserini (avec Lyda Borelli), Sangue bleu est taillé sur mesure pour Francesca Bertini, l’actrice dont le nom reste le plus étroitement identifié à ce genre, celle aussi qui lui survécut le plus longtemps puisqu’elle tournait encore, en 1975, dans Novecento de Bernardo Bertolucci et, en 1982, commentait à l’écran son interprétation d’Assunta Spina (Gustavo Serena, 1915) dans L’ultima diva de Gianfranco Mingozzi.
Sangue bleu - Nino Oxilia - Celio Film 1914
Le titre, qui mélangue l’italien et le français (Sangue bleu, jugé sans doute plus chic que le banal Sangue blu), annonce la couleur : l’action se situe dans un univers hautement improbable de roman à deux sous où les péripéties de l’intrigue servent avant tout de prétexte à placer l’héroïne dans les situations, les milieux sociaux, les postures les plus diverses.
On aura donc tout lieux d’admirer la Bertini en femme du monde élégante se mouvant à son aise dans une immense salle de réception, en Madame Butterfly (à l’occasion d’un spectacle de charité), en artiste de music-hall exécutant une lascive danse de mort qui n’est pas sans rappeler celle d ’Asta Nielsen dans Afgrunden (1910), ou encore en Femme de nulle part, silhouette éplorée, toute de noir vêtue, avançant au loin sur une plage déserte.
Présence magnétique, la diva reste elle-même à travers toutes ces métamorphoses, et même des changement de registre dans le jeu, hyper expressif et proche de la pantomime dans certaine scènes très dramatiques mais conservant toujours une espèce de détachement très moderne.
- Sangue bleu - Nino Oxilia - Celio Film 1914
Elle trouve ici un metteur en scène à sa mesure en la personne de Nino Oxilia, jeune poète crépusculaire, dramaturge (la comédie Addio Giovinezza, 1911) et cinéaste surdoué d’à peine 25 ans qui allait mourir en novembre 1917 touché par une grenade autrichienne sur le Monte Tomba et dont ne nous sont parvenus que quelques films, tous magnifiques (le péplum In hoc signo vinces, 1913 ; Il focolare domestico, 1914 avec Maria Jacobini ; le vénéneux Fior di male avec la Borelli ; Papà, 1915, qu’on peut visionner sur la toile, comédie enlevée avec Ruggero Ruggeri et une Pina Menichelli pleine de joyeuse vivacité ; Rapsodia satanica, à nouveau avec la Borelli).
Bénéficiant d’amples moyens (décors immenses de la salle de bal ou du casino, luxe des accessoires et des costumes) et de collaborateurs de talent (splendide photo de Giorgino Ricci), il sait faire respirer ses plans toujours artistement cadrés et composés (le mari et la femme restés seuls dans le vaste salon après la fête ; l’espace étroit d’une cabane de montagne avec en amorce le lit de la mère malade de l’acteur ; la grille du parc, la nuit, dont l’héroïne s’approche en venant du fond éclairé), organiser les scènes de foules et chorégraphier les déplacements dans le plan ( la course vers l’avant de la princesse lorsqu’elle va écrire la lettre) mais aussi utiliser, comme très peu de ses collègues de l’époque, les inserts, les panoramiques, les gros plans pour articuler le récit.
- Sangue bleu - Nino Oxilia - Celio Film 1914
Expert dans l’art de créer en intérieur des atmosphères raffinées, décadentes, il sait aussi saisir ce que lui offrent d’imprévu, de partiellement incontrôlable, le tournage en extérieur (avec des figurants qui ont l’air de vaquer vraiment à leurs occupations et ces étonnants gamins de rue à qui l’héroïne confie sa lettre).
La très belle séquence dans la loge, lorsque les artistes du music-hall (clowns, acrobates, ballerines, dompteurs, athlètes), grimés et costumés, entourent le chevet de la danseuse blessée, est un de ces moments étranges, émouvants, déconcertants, qu’un véritable cinéaste sait provoquer.
Le trop méconnu Oxilia en est un, et non des moindres, à l’instar de ses contemporains Hofer, Bauer, et de quelques autres que l’histoire officielle a longtemps négligés et dont la redécouverte tient de la révélation.
- Sangue bleu - Nino Oxilia - Celio Film 1914
Signalons qu’à l’occasion de l’édition 2014 du festival Il Cinema Ritrovato la Cineteca di bologna a publié un DVD du film dans une magnifique version restaurée par EYE (Cinémathèque néerlandaise) à partir d’une copie de la précieuse collection Desmet.
- Sangue bleu - Nino Oxilia - Celio Film 1914
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