Pop
Le 20 novembre 2002
La musique la plus kitsch des années 70 peut sauver la pop d’aujourd’hui.
- Artiste : Badly Drawn Boy
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Un Zappa pour les années 2000 ? Damon Gough, alias Badly Drawn Boy, devenu en un éclair une figure incontournable de la scène anglaise, prouve avec Have You Fed the Fish que la musique la plus kitsch des années 70 peut sauver la pop d’aujourd’hui.
Un malheureux raccourci marketing a fait de lui "l’homme au bonnet". Cette tactique promotionnelle employée par sa maison de disques serait des plus anecdotiques si elle n’illustrait pas un malentendu persistant depuis la sortie du gargantuesque The Hour of Bewilderbeast, l’un des albums les plus marquants de l’an 2000. Sous son désormais célèbre couvre-chef en laine, Badly Drawn Boy serait donc un génie capable de tutoyer les cimes mélodiques, mais gâchant toute occasion d’être pris au sérieux, en particulier lors de ses chaotiques concerts.
Mais Damon Gough se soucie peu de son image. Il a vite compris qu’une pop song pouvait batifoler entre premier et second degré et il s’amuse à brouiller les pistes avec un plaisir évident. Certains titres de Have You Fed the Fish recréent par exemple des ambiances à la Marvin Gaye ou à la Barry White, et, malgré un physique de crevette, Badly Drawn Boy se montre très à l’aise dans le costard de ces grands séducteurs.
The Hour of Bewilderbeast avait été comparé à l’Album Blanc des Beatles - rien de moins - pour sa boulimie musicale. Damon Gough délaisse cette fois le rayon folk psychédélique pour piocher dans la pop ou la soul la plus sirupeuse des années 70. Les premiers titres de Have You Fed the Fish en dévoilent le versant le plus kitsch : un instrumental jazz-rock digne de Frank Zappa enchaîné à une parodie de Band on the Run de McCartney. On ne connaît que les Gallois des Super Furry Animals pour passer si facilement d’un style à l’autre tout en proposant des mélodies de très haut rang.
Cette écriture surdouée a pourtant ses revers : la mélodie sucrée du single You Were Right est irrésistible mais peut s’avérer très vite écoeurante. Pourtant les pièces montées de l’Anglais, entre envolées de cordes et easy listening, savent miraculeusement rester savoureuses. Plutôt que de chercher à égaler Lennon ou McCartney, il collectionne et détourne les clichés les plus grossiers de la pop mainstream pour créer un univers dans lequel il règne en maître. Le tout avec une bonne dose d’auto-dérision. Badly Drawn Boy n’est donc pas près de prendre trop au sérieux son rôle de sauveur de la pop anglaise.
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