Good news for people who love bad news

Les Américains Modest Mouse en sont à leur cinquième album, alors qu’ici beaucoup viennent tout juste de les découvrir. Ce qui n’est pas forcément pour leur déplaire. Là d’où ils viennent, leur statut d’éternels espoirs du rock indé, dans la lignée de Pavement ou Built To Spill, commence à leur peser. Pourtant, on est bien dans les mêmes eaux, des compositions imprévisibles douées de mélodies pondues avec une facilité décourageante.

Le passage sur une major n’y a rien changé : sur The moon and Antarctica (2000), le groupe montrait qu’il ne sacrifierait pas ses ambitions pour les beaux yeux des charts. L’orchestration s’est étoffée (banjos, harmoniums, cuivres ou violons), le son est plus léché, mais dans le même esprit que les Flaming Lips (que l’on retrouve sur The good times are killing me). La mélancolie de The world at large, portée par la voix fragile (plus habituée à brailler) d’Isaac Brock ouvre d’ailleurs l’album sur un évident air de famille avec les Deserter’s songs de Mercury Rev. Plus qu’avec les Corrs.

Le groupe s’était donné comme objectif d’écrire un "album positif", une ambition démesurée pour qui les connaît. Brock admet que ses vieilles obsessions ont pris le dessus sur les trois quarts du disque. Tourmenté et joyeux, le tube instantané Float on résume bien le paradoxe de l’album. Impeccable riff de guitare, chœurs enthousiastes, mais euphorie un brin forcée, jamais dupe. La diversion continue sur une bonne partie de Good news, puisque la triste ballade dépouillée Blame it on the tetons se glisse entre une sortie bastringue avec Tom Waits (This devil’s workday) ou dans les mêmes clubs disco que Franz Ferdinand (The view) et du rock plus enragé (Black Cadillacs). Le curieux qui comptait sur un bon moment de pop facile n’a plus que ses yeux pour pleurer.

Pouvait-on attendre autre chose d’un chanteur qui hurle "Je ne suis rien qu’une boite dans une cage" en guise de refrain ? Pour comprendre ce qui se passe dans la tête d’Isaac Brock, il faudrait copier l’intégrale des textes de Modest Mouse en trois exemplaires. Peut-être les traduire : en français, en suédois ou en grec ancien. Ou faire comme lui : lire Bukovski. Sans être plus avancé. Mais peut-être mûr pour se lancer à son tour dans une oeuvre aussi barrée.