Couper du bois
Le 10 mars 2013
Naomi Kawase suggère l’acception de la douleur et des imperfections du monde dans ce beau documentaire sans volonté propagandiste, à la fois cru et apaisé.
- Réalisateur : Naomi Kawase
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Potemkine
- Date de sortie : 7 novembre 2012
- Plus d'informations : http://www.potemkine.fr/Potemkine-f...
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Sortie DVD : le 4 avril 2013
Naomi Kawase suggère l’acception de la douleur et des imperfections du monde dans ce beau documentaire sans volonté propagandiste, à la fois cru et apaisé.
L’argument : Une maternité au coeur de la forêt près d’Okazaki au Japon. Des femmes viennent là de tout le pays, loin du tumulte des villes modernes. Le Docteur Yoshimura âgé de 78 ans y pratique un accompagnement naturel à l’accouchement depuis des décennies. Autour de cet homme, cette petite communauté de femmes forme une utopie, régie par ses priorités hors du temps.
Notre avis : L’esprit de la vallée ne meurt jamais, c’est Genpin, la femme mystérieuse : on pourrait s’attendre, en lisant cette phrase au générique du film de Naomi Kawase, à une apologie mystique-poétique du retour à la nature présenté comme remède aux maux de la civilisation.
Il n’y a pourtant ni grandiloquence ni volonté propagandiste dans ce documentaire d’allure volontairement modeste que la cinéaste tourne, caméra sur l’épaule, à la première personne. (Elle n’apparaît pas à l’image mais elle parle et on s’adresse à elle : Mme Kawase, je vous remercie).
Adoptant une forme moins ouvertement lyrique et expérimentale que dans ses premiers films, elle ne renonce pas pour autant à sa sensibilité météorologique et sait capturer admirablement la lumière de la clairière où les patientes de la maternité coupent du bois (pour ne pas devenir trouillardes, boulimiques et paresseuses) ou dénicher dans une rizière la minuscule statue d’un dieu protecteur qui n’en impose ni par sa taille, ni par sa beauté.
Le Docteur Yoshimura n’en impose guère lui non plus et n’a pas grand chose du surhomme ni du gourou. Ses assistantes, qui l’appellent affectueusement le patron, n’hésitent pas à le critiquer et lui même se définit comme égocentrique, foutraque et têtu.
J’aimerais cesser mon travail dans cette clinique déclare-t-il, fatigué, et il répond d’un J’ai compris ! désemparé à sa fille qui lui annonce qu’elle le quitte en rajoutant : Je voulais te dire que je ne te hais pas.
- Genpin (Naomi Kawase)
Mais ce sont justement le refus de l’idéalisation et l’acceptation des imperfections du monde que prône Naomi Kawase dans ce portrait pluriel d’une communauté utopique (et passagère, sans cesse recomposée) où la douleur, l’accident, la mort ont retrouvé la place que leur nie notre univers déréalisé. Car, comme le dit Yoshiwara, si on nie la mort, on nie la vie.
Le sourire édenté du mari paumé qui s’enfuit puis revient (ma femme a confiance en moi)
et les étonnantes scènes d’accouchement sans anesthésie en présence de toute la famille (et surtout des autres enfants) que la cinéaste filme de manière à la fois crue et apaisée sont les fruits offerts de cette acceptation d’une douleur dont Kawase se garde bien de faire une valeur remède.
Le DVD
- Genpin (Naomi Kawase)
Potemkine inaugure une nouvelle collection documentaire* avec l’édtion DVD du film de Naomi Kawase.
Les suppléments
Dans un entretien de 9 mn, Arnaud Hée apporte un éclairage pertinent sur le film et le travail de Kawase (recherche d’une présence dans le monde, aller-retour perpétuel entre perte et naissance, bougé-flotté de la caméra, pied de nez à la solitude et à l’atomisation du monde moderne) qu’il rapproche d’autres grands documentaires utopistes centrés autour de scènes d’accouchement : Regarde, elle a les yeux grands ouverts de Yann Le Masson (1980) et Milestones de Robert Kramer (1975)
Image
L’auteure ayant volontairement évité une image trop léchée pour privilégier le bougé, le tremblement, on constatera des variations importantes de qualité, certains plans sous éclairés laissant apparaître un défaut manifeste de définition. Le report soigné permet néanmoins de saisir au vol la beauté non apprêtée qui ne cesse d’illuminer le film.
Son
La piste stereo accorde aux voix des intervenants et aux bruissements du monde la présence requise.
*Dans la même série sort également le film de Vitali Kanevski Nous, les enfants du Xxème siècle (1984)
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