Le 25 juin 2020
Une comédie policière exquise qui a bien supporté le poids des années, et dans laquelle s’affrontent avec brio Fernandel, Michel Simon et Arletty.
- Réalisateurs : Maurice Lehmann - Claude Autant-Lara
- Acteurs : Michel Simon, Fernandel, Arletty, Andrex, René Génin, Marcel Vallée, Hélène Robert
- Genre : Noir et blanc, Comédie policière
- Nationalité : Français
- Distributeur : Solaris Distribution, Distributeurs Associés
- Editeur vidéo : Solaris
- Durée : 1h42mn
- Date télé : 30 mars 2024 01:03
- Chaîne : France 3
- Reprise: 26 décembre 2018
- Date de sortie : 15 juin 1939
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Résumé : Marcel est un brave garçon, employé de la bijouterie Mercandieu. La fille du patron rêve d’en faire son fiancé mais Marcel tombe sous le charme de Loulou, une aguicheuse qu’accompagne le nonchalant Jo, délinquant à la petite semaine. Voilà que Tintin, l’homme de Loulou qui fait un séjour en prison, a besoin d’argent. Loulou ambitionne alors un « fric-frac » chez le bijoutier Mercandieu.
Critique : Fric-frac est l’adaptation d’un succès du boulevard écrit par le dramaturge Edouard Bourdet (1887-1945), qui fut aussi administrateur de la Comédie-Française. La réalisation du film a été officiellement assurée par son producteur, Maurice Lehmann, davantage connu en tant que directeur de théâtre et metteur en scène d’opérettes. Il est épaulé par Michel Duran pour les dialogues, et surtout Claude Autant-Lara, crédité au générique en tant que collaborateur technique, mais qui a assuré en grande partie la coréalisation. Le métrage, souvent diffusé à la télévision et objet d’une réédition en salle en 2018 à l’initiative du distributeur Solaris, dispose de trois atouts majeurs.
Le premier est la qualité du matériau original, à savoir la pièce de Bourdet, qui tranche avec les conventions des dramaturgies bourgeoises de Henry Bernstein ou Marcel Achard, deux des auteurs à succès de l’entre-deux-guerres. L’histoire se situe en milieu populaire, et joue sur un double contraste social et psychologique. D’une part, Marcel (Fernandel), l’employé honnête mais naïf, est courtisé par Renée (Hélène Robert), la fille du patron bijoutier (Marcel Vallée). La jeune fille, pimbêche coincée et autoritaire, mise sur un mariage qui conforterait l’ordre social, tout en éprouvant des sentiments pour le salarié de son père. Mais elle étouffe en Marcel toute velléité de fantaisie ou d’écart aux normes sociales. D’autre part, Marcel et Hélène sont amenés à côtoyer Jo et Loulou, un minable duo de gangsters (Michel Simon et Arletty), issus comme Marcel de la classe populaire, mais ayant préféré la fréquentation de la pègre de Montmartre. L’opposition entre les deux milieux est illustrée par les éléments de langage. « J’eusse préféré que vous vinssiez seule », déclare Marcel à Loulou, qui l’étiquette d’emblée dans la catégorie des « caves ». La transposition du texte théâtral est réussie : bien avant les répliques de Michel Audiard des années 50/70, les dialogues de Fric-frac constituent un témoignage savoureux du lexique argotique.
Et c’est là que réside la seconde qualité du film : si l’adaptation cinématographique est fidèle à la narration et à l’esprit de la pièce, le métrage n’est en rien du simple « théâtre filmé ». Le montage insuffle un véritable rythme au film qui tranche avec l’académisme de la production commerciale des années 30. Et tout en assumant une certaine théâtralité (les entrées et sorties comiques du collègue campé par René Génin, le huis clos de la scène de cambriolage), Fric-frac brille par plusieurs passages authentiquement cinématographiques : le marivaudage entre Marcel et Renée est digne des screwball comedies hollywoodiennes, les manigances de Jo et Loulou rappellent les arnaques de Haute pègre d’Ernst Lubitsch, une scène de séduction à la campagne évoque l’art de Renoir, quand l’attaque brève mais percutante d’une bijouterie par un malfrat (Andrex) fait écho à la sècheresse du Scarface de Howard Hawks.
Le troisième atout de l’œuvre est bien entendu son interprétation hors pair, chacune des trois vedettes mettant en valeur sa persona, sans tirer la couverture à soi, ni être tentée par les sirènes du cabotinage (hormis une scène de beuverie quand Jo et Marcel pensent découvrir les vertus de l’amitié). Fernandel et Michel Simon (qui avait créé le rôle à la scène) sont désopilants, même si la rivalité et la mésentente entre les deux acteurs avaient terni l’ambiance du tournage. Deux ans après avoir interprété Loulou à la scène, et un an après son triomphe dans Hôtel du Nord, Arletty reprenait son personnage de titi parisien, le parant ici d’une androgynie qui annonce la Dominique des Visiteurs du soir, et d’une gravité qui allait être celles de Clara dans Le jour se lève et Garance dans Les enfants du paradis, œuvres de Marcel Carné.
Dans la version initiale du film, un épilogue moralisateur, probablement imposé par la censure, et montrant Jo et Loulou transformés en honnêtes commerçants, a désormais été retiré, ce qui ne fait qu’amplifier l’aspect transgressif des personnages. Notons que Fric-frac la pièce a été reprise en 2018 au théâtre de Paris, mise en scène et jouée par Michel Fau, avec pour partenaires Régis Laspalès et Julie Depardieu.
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