« Tu vas la taire, ta gueule ? »
Le 15 mai 2020
Le chef-d’œuvre de Carné et Prévert est un sommet du réalisme poétique des années 1930. Un monument du cinéma français, magnifié par Gabin, Arletty et Jules Berry.
- Réalisateur : Marcel Carné
- Acteurs : Bernard Blier, Jules Berry, Jean Gabin, Jacques Baumer, Marcel Pérès, Arletty, René Génin, Jacqueline Laurent, René Bergeron, Arthur Devère, Léonce Corne, Gabrielle Fontan, Mady Berry
- Genre : Drame, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Tamasa Distribution , Les Films Vog
- Editeur vidéo : Studiocanal
- Durée : 1h31mn
- Date télé : 12 octobre 2023 23:42
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 21 février 2018
- Date de sortie : 17 juin 1939
- Plus d'informations : Histoire du Polar au cinéma
- Festival : Festival de Cannes 2014
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Résumé : Un coup de feu, un corps roule dans l’escalier. L’assassin, François, un ouvrier, s’enferme dans sa chambre pendant que la police fait le siège de l’immeuble, attendant l’aube pour l’assaut. François va revivre seul pendant toute la nuit sa rencontre avec une jeune fleuriste, le cynisme de Valentin qui le poussera à bout, et l’amour de la belle Clara...
Critique Après les doubles succès du Quai des brumes et Hôtel du Nord, Marcel Carné se surpassa avec cette œuvre sombre et esthétiquement somptueuse, dans laquelle il retrouvait de fidèles collaborateurs. Parmi ceux-ci, Jean Gabin (magistral) campe un ouvrier honnête mais meurtrier, après avoir incarné un déserteur dans Le quai des brumes. Après son triomphe dans Hôtel du Nord, Arletty (sublime) incarne Clara, une autre figure féminine libérée, mais pour la première fois de sa carrière avec un rôle dramatique et contrasté, qui annonce ses prochaines interprétations dans Les visiteurs du soir et Les enfants du paradis. Si le scénario est signé Jacques Viot, Jacques Prévert est l’auteur des dialogues, et l’on retrouve l’univers du poète, ne serait-ce qu’à travers la thématique des amours impossibles. Françoise (la délicate Jacqueline Laurent) et François ont presque le même prénom, viennent tous deux de l’assistance publique, s’aiment et sont faits pour vivre ensemble. Mais la fatalité sera plus forte, par le biais de l’odieux Valentin, raffiné et cruel, manipulateur et charismatique, séducteur et diabolique, et qui a les traits du génial Jules Berry, « grand seigneur méchant homme » du cinéma français. Le jour se lève s’apparente au courant de ce qu’il est convenu d’appeler le réalisme poétique français, le caractère naturaliste des situations étant tempéré par un scénario allégorique, une partition musicale lyrique (due ici à Maurice Jaubert), une stylisation manifeste, et un tournage entièrement en studio avec décors artificiels. Le travail plastique d’Alexandre Trauner est à cet égard remarquable, de par la reconstitution d’un quartier populaire de Paris, d’une usine en périphérie ou d’un cabaret typique.
On retrouve aussi toute une faune de personnages pittoresques gravitant autour des protagonistes, du commissaire de police autoritaire (Jacques Baumer) au bon copain compréhensif (Bernard Blier), en passant par les concierges bienveillants (Mady Berry et René Génin) ou la vieille folle de l’immeuble (Gabrielle Fontan). Mais le récit se concentre essentiellement sur François, et propose un puzzle narratif inédit pour l’époque. En effet, à l’exception de L’affaire Lafarge (Pierre Chenal, 1938), peu de films français avaient utilisé le flash-back. Trois retours en arrière viennent alors expliciter la scène initiale. Mais ce n’est pas la seule innovation du Jour se lève. Pour la première fois dans l’histoire du cinéma, une même action était filmée deux fois : le meurtre initial est indiqué au début du récit uniquement par la voie sonore, la caméra se concentrant sur la cage d’escalier et la porte d’entrée, de laquelle sort Jules Berry, tué par une balle. Les mêmes dialogues seront repris au dénouement, mais en présence de Gabin et Berry, ce dernier disparaissant du champ après le coup de révolver. Symbiose entre le film noir et le drame romanesque, Le jour se lève, qu’adorait Henri Langlois, s’avère ainsi un modèle de narration et de mise en scène, avec des passages d’anthologie comme le numéro de dressage de chiens orchestré par Berry et Arletty, sous le regard d’un Gabin inquiet. Les vicissitudes du film commencèrent en septembre 1939, soit trois mois après sa sortie, avec une interdiction aux moins de seize ans, sous pression de l’Armée, pour son caractère « démoralisant ». En 1940, la censure de Vichy amputa et remania le film, en supprimant les allusions au caractère fasciste des policiers. Furent par ailleurs rayés du générique, au prétexte de leurs origines juives, les noms de Trauner et du chef opérateur Curt Courant. Le jour se lève sort maintenant dans une version restaurée par Diapason et Éclair en 4K (à partir d’un scan 4K), sous la supervision de Studiocanal, en collaboration avec les cinémathèques de Bruxelles et de Milan. L’intégralité de l’œuvre initiale a été respectée, y compris une scène censurée dans laquelle Arletty entre nue dans sa douche.
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