Le 20 octobre 2016
- Festival : Formula Bula
Depuis cinq ans, le festival Formula Bula de bande dessinée "et plus si affinités" s’est créé une place de choix dans la petite nébuleuse des initiatives franciliennes. Comme l’excellent festival Pulp à la Ferme du Buisson, l’ambition majeure du projet mené par le collectif Ferraille - proche des Requins Marteaux - est d’ouvrir le dialogue entre la bande dessinée et les autres arts. Mais sous le terme d’"affinités", nous entendons également celles unissant les acteurs du 9ème art-auteurs, éditeurs, lecteurs. Et là réside la spécificité de ce festival, en ce qu’il créé de partage, rencontres formelles ou informelles. Aux dires de Raphaël Barban, directeur artistique du festival, ils sont « deux et demi, trois personnes » à mettre sur pied la manifestation annuelle. Lui-même, Marina Corro et Thomas Bernard œuvrent ainsi à signifier la diversité de la bande dessinée, ainsi qu’à rendre le plus sensible possible les liens à l’œuvre dans le territoire de la création.
Tout commence en 2011 à Saint-Ouen, lorsque s’ouvre une médiathèque baptisée « Persépolis », et marrainée par Marjane Satrapi. Winschluss, proche de l’auteure franco-iranienne, profite de l’opportunité et propose la création d’un festival de bande dessinée plutôt « indé ». De là verra le jour la première édition du Festival Formula Bula. Les élections municipales étant ce qu’elles sont, l’événement déménage trois ans plus tard à Paris, et pose ses bagages au Point Éphémère. Mais l’éthique reste la même.
« S’ancrer dans le territoire »
Installés désormais au Point Éphémère, les trois membres de Ferraille ont immédiatement observé les potentialités du canal de l’Ourcq : « Il va dans le 93, le festival est né là-bas, continuons à garder un lien avec la Seine St-Denis ». Naitra le principe des "dédicroisières".
Décision symptomatique de cette manifestation qui, par la diversité des lieux touchés et du public visé, cherche à s’inscrire dans le territoire culturel et social de l’est parisien. Pour cette édition 2016 les partenariats se sont ainsi multipliés, créant une véritable constellation : Médiathèque Françoise Sagan, Galerie du Jour Agnès B., Galerie Martel, Arts Factory, Conservatoire Européen d’Écriture Audiovisuelle, Librairie Super-Héros, Fanzine Festival !, Nuit Blanche, le Tandem Paris-New-York… « On essaie de fédérer autour du festival. On veut développer le fait d’associer le festival à d’autres évènements, partager avec d’autres acteurs culturels, pour ne pas être juste dans notre coin. »
Et de fait, le programme avait ce bon goût du bouillonnement, du protéiforme (rencontres, expositions, workshop, concerts…), invitant à envisager la bande dessinée sous toutes ses coutures, y compris, et peut-être surtout, les plus défaites.
« Exposer des gens qu’on a un peu oubliés »
« Ca ne nous intéresse pas de parler de choses qui sont déjà surmédiatisées, mais faire découvrir des choses qui mériteraient d’être un peu plus connues, un peu plus lues ». Formula Bula se fait quelque peu justicier de l’histoire de la bande dessinée. « On aime bien aller chercher les gens oubliés et montrer qu’ils sont des piliers fondateurs de la bande dessinée d’aujourd’hui. C’est aussi parce qu’on parle beaucoup avec les auteurs, et qu’on connaît leurs références ».
La première année, c’est Carlos Gimenez, qui sortit des tréfonds de la mémoire. « Il n’avait jamais été exposé en France. Pour nous c’était un européen qui avait participé de la création du genre autobiographique. Il y avait des américains, Will Eisner par exemple, mais en Europe, il faisait partie des précurseurs. Ça nous semblait important de le mettre en avant parce que l’autobiographie a été le grand genre des années 2000. »
L’année suivante, c’était le tour de Kim Deitch, auteur américain, dont Art Spiegelman dit qu’il est le « secret le mieux préservé de la bande dessinée américaine ». « Et pourtant ça a été un compagnon de route de Crumb, il a participé au mouvement du comics underground des années 60. Il n’a pas pris le chemin du succès, mais son travail est exceptionnel. »
Après Francis Masse, l’honneur fut cette année fait à Charlie Schlingo, car « on aime son humour, ses gros nez. C’est un personnage plus complexe qu’il n’y paraît. C’était un poète, un auteur de bande dessinée, un érudit, un musicien. »
Écouter la visite de l’exposition par son commissaire, Thomas Bernard.
Scénographie du Point Éphémère réalisée par Atelier 1:1 (Henry Flouzat, Clara Lamerre et Léa Lamerre)
« Générer les rencontres »
Bien loin d’un simple festival de dédicaces comme on en voit pulluler, Formula Bula, entièrement gratuit, possède cette rare qualité de favoriser l’échange entre auteurs et lecteurs. Les nombreuses rencontres, de format somme toute classique, permettent d’apprécier les paysages de la bande dessinée, du fanzine à la nouvelle revue Pandora, en passant par l’Histoire avec Françoise Mouly et Sempé. Mais le lien se fait plus ténu encore grâce à deux concepts inédits.
Les dédicroisières, « sorte de décrochage intimiste du festival », comme aime à les définir Raphael Barban, convie, le temps d’un fluvial trajet sur le canal de l’Ourcq, auteurs et public à discuter autour d’un verre. L’ambiance y est chaleureuse, festive, sans prétention.
De la même manière, à l’issue d’une tombola menée de main de maître par le dézingué Franky Baloney, certains festivaliers ont la possibilité de gagner « une planche pour l’apéro ». Point de charcuterie, mais quinze minutes avec Florence Cestac, Pixel Vengeur, Marion Fayolle, entre autres, ayant amené un extrait de leur travail. Il s’agit ainsi de « générer la rencontre de façon exclusive et privilégiée entre un auteur et un festivalier, ainsi que de montrer des planches originales ». Et puisque l’espace du Point Éphémère n’offre pas la même capacité d’expositions qu’à Saint-Ouen, « c’est aussi une manière de montrer du dessin sans forcément l’accrocher au mur ». Face à la contrainte, l’inventivité, donc, et la convivialité, toujours. Formula Bula désacralise l’œuvre et son artiste, au profit d’une humanité de l’art.
Galerie Photos
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